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La boite a bafouilles

La boite a bafouilles
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5 septembre 2015

Tout a un sens....

Quand je peint un tableau, ou que je fais un dessins, il s’adresse a tout le monde qui veut se donner la peine d’y poser son regard, je ne fais rien pour un public particulier, si je décide de sortir des cartons tel ou tel dessin, ou d’accrocher un tableau, cela m’échappe, ce travail ne m’appartient plus, il est a tout le monde.

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Il est autant a mes amis, qu’a celles et ceux qui serraient susceptible, pour une raison ou une autre, d’êtres des ennemis, cela n’a pas d’importance, et même, cela pourrait parfois, leur faire du bien, et les amener a réfléchir, a se poser des questions.

Toute ma vie, je l’ai traversée comme si j’avais été a tout moments aux aguets pour enregistrer une séquence d’un film,  dans l’idée, et l’espoir qu’un jour, je ferais le montage d’un long métrage, avec toutes ces séquences, c’était un peu comme si j’avais eu une caméra dans la tête, le hasard du destin m’a fournis les décors, et les actrices et acteurs.

C’est peut-être pour ça que j’ai une mémoire d’éléphant, conserver les rouleaux de pellicule à l’abri de la lumière, est devenue vite une habitude, et certaines séquences étaient si émouvantes, et intenses, pour moi, que j’ai voulu ne jamais les perdre, dans l’oubli.

Mais avec le temps, les seuls tableaux et dessins ne m’ont plus suffit a exprimer et a fixer les moments forts du film, ils étaient devenus pour moi des instantanés pris sur le plateau de tournage, et agencés suivant une mise en scène construite de façon aléatoire, au grès de ce qui me passait par la tête, a certains moments.

Ecrire m’est alors apparu comme le plus sûr moyen de restituer fidèlement le long métrage, dans ses moindres détails, mais ça n’est pas venu tout seul, après quelques prémices, c’est a la suite d’une rencontre qui allait bouleverser ma vie et lui donner le sens qui aurait toujours dû être le sien, que j’ai commencé, sans le savoir, une première ébauche de ce que j’écris aujourd’hui sous le nom de Bafouilles.

Il était important vis-à-vis de mon lecteur, le docteur Jean-Claude Pénochet, que je n’oublie aucun détail, et que je dise toujours la vérité, et ce, bien que, comme le disait Lacan, on ne peut pas toujours dire toute la vérité, cette vérité des bafouilles reste ma vérité.

Pour des raisons qui sont relatives a ma santé, seuls les premiers épisodes de ces Bafouilles étaient importants pour permettre aux médecins de m’aider efficacement a redonner son sens a ma vie, et a leur contact, et au fur et a mesure que j’écrivais,  je me suis sentie comme portée par un torrent d’énergie, une force profonde qui me garantissait des attaques et des obstacles qui se dressaient devant moi, il y a tant de choses a priori incompréhensibles, que je peux désormais comprendre, par l’expérience.

Il n’y a aucun vice dans le regard que je porte sur les événements, les personnages que j’évoque, il n’y en a pas dans le regard qu’un artiste porte sur la nature, sur l’universel.

Par certains aspects, je peux comprendre la souffrance, je ne prétends pas l’expliquer, non, mais juste ressentir, que peut provoquer le « mal étrange » qu’aucun psychiatre n’a pu réellement identifier dont souffrait Antonin Artaud, celui de ne pas avoir pu imaginer son corps, et le faire a son idée, et bien sûr, je ne comprends cela que partiellement, le mystère Artaud reste pour moi entier.

Lire ce que je raconte sans avoir la volonté de ne pas juger de la nature de ce que je raconte, de ne pas soumettre a un jugement moral de ce qui est bien, ou mal de faire de soi, de sa vie, ou de son corps est le seul moyen sûr de pouvoir en parler, en étant à côté de ce que je voulais exprimer.

Ce qui me ferra répondre : Tu parles, tu sais pas….

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1 juillet 2015

Trente deuxième Bafouille....

Au fil des conversations  qu’il écoutait et du fait de la situation, Julius commençait a s’intéresser a ce qu’une équipe de chirurgiens étaient capable de faire, jusque-là,  la médecine  moderne et l’atmosphère des blocs tenait un peu de la science-fiction pour le jeune Julius, et soudainement, il discernait mieux les contours des limites du faisable…

Bien que cherchant a garder un bon moral, et a rester optimiste, il lui arrivait d’imaginer ce qu’il adviendrait si son père n’était plus là, si il venait a disparaitre, et il lui semblait que tous se sentiraient comme perdus, sans initiative, l’édifice bancal. le château de cartes s’écroulerait soudain, et aucuns des enfants n’était autonome, et d’ailleurs, personne n’était vraiment autonome, après le travail de construction et de déconstruction  du maitre d’œuvre.

S’il disparaissait, il ne resterait qu’un édifice vide percé d’ouvertures,  et tous se réveilleraient avec la sensation d’un sacré coup de bambou….

Ne resterait alors qu’un groupe d’humains perdus,  déboussolés parce que sans boussole, et qui tenterait durant quelques temps de gesticuler dans des directions sans but, en se référant a la doctrine, et a son souvenir.

Julius ne partait pourtant pas battu d’avance, lui aurait toujours une direction a prendre sans hésiter, ne lui restait plus qu’a chercher a se perfectionner  dans ce qu’il faisait de mieux, dessiner, pour ce qui était de la doctrine, ses interrogations en solitaire  sur la nature, et aussi sur sa véritable nature ébranlaient sérieusement l’édifice, et le plan de patriarcat rigide et dominateur sans concessions  d’après lequel il était bâtis, resterait en lui, le souvenir…

Julius se sentait pressé par le temps,  du fait des événements, de plus en plus impatient de pouvoir mettre a profit ce qu’il savait faire.

Ses parents s’absentant environs trois semaines sur quatre, jusqu’à la date de l’intervention,  Julius profitait de leur absence pour se plonger plus avant dans ce qui maintenant  avait trait a son secret et dont il ne divulguait rien a personne, en plus des magazines, il se mit a lire les livres de jeunesse de sa mère, qui étaient rangés sur les étagères d’une armoire, dans le grenier.

C’était les premières fois où il parvenait a s’imaginer vivre les aventures dont il lisait le récit, et a éprouver l’envie de s’identifier aux personnages durant de longues heures, une fois terminée la lecture de bouquins de la comtesse de Ségur, ou d’autres auteurs, il recommençait inlassablement.

Julius fit entre autre de cette façon, des promenades en voiture a cheval, avec d’autres fillettes de son âge, et lui-même bien sûr méconnaissable, habillé de robes amples et de jupons, chaussé de petites bottines, avec une chevelure abondante, nouée de rubans de soie de couleur, ou coiffé d’un chapeau a ruban….

S’imaginer dans ces situations  lui procurait une sensation d’épanouissement qui le grisait, imaginer les conversations qu’il aurait eues avec d’autres fillettes  ne cessait que lorsqu’il s’endormait,  le soir, dans l’impatience de reprendre ses lectures le lendemain.

Bientôt son voyage à travers les époques et les modes ne connus plus de limites, il se plaisait a s’imaginer prenant tout le soin de s’habiller, de se coiffer ou de se maquiller avant de se rendre a une réception, un bal, ou encore à l’opéra, là encore, il ne se lassait pas d’inventer en solitaire des conversations animées avec ses amies, ou de répondre aux avances d’hommes galants et beaux comme les acteurs de cinéma qu’il aimait bien….

Puis, a une heure avancée de la nuit, il prenait place dans une voiture, qui le ramenait chez lui tandis qu’il vérifiait dans un petit miroir de poche, sortis de son sac a main, que son visage ne pouvait prêter a aucune confusion possible, celui d’une élégante jeune femme, perdue dans les vagues de l’histoire, et sa rêverie prenait fin, quelques fois, il se replongeait encore de courts instants dans son rêve, mais celui-ci avait perdu de sa force, seul dans une chambre dont il composait le décor, et certain de ne pas être surpris, il hottait son tailleur, sa jupe ou ses dessous,  et lorsque la soie glissait sur ses jambes, il éprouvait du contentement a se dire que personne durant les jours précédents, n’avait soupçonné une seule seconde l’existence de ce qu’il dissimulait sous ses vêtements…

Mais le secret de Julius commençait de plus en plus fréquemment a venir perturber ses rêveries,  pour compenser la frustration que cela entrainait fatalement, les expériences purement imaginaires ne lui suffirent plus, il éprouvait maintenant le désir de vivre des expériences sensorielles, loin des apparences, ou du simple travestissement.

D’ailleurs, Julius n’éprouvait pas réellement le désir de se travestir, il n’aimait pas cette notion de travestissement,  qui lui évoquait une intention de mentir, ou de trahir la réalité, ou de tromper son monde, non, ce qu’il recherchait était tout autre, et allait bien au-delà des simples apparences, Julius recherchait  la sensation d’être une femme, peut lui importait, en définitive qu’elle soit nue, ou habillée, qu’elle dorme ou qu’elle marche dans les rues, qu’elle soit jeune ou bien âgée,  du moment que toutes ses sensations,  corporelles ou mentales, ou ses émotions étaient celles d’une femme.

En relisant encore de nombreuses fois les articles des magazines féminins, et aussi en se documentant dans les ouvrages de sciences naturelles dont il disposait, il cherchât a se faire une idée la plus précise possible de l’anatomie intime féminine, et des sensations qu’elle pouvait procurer, et il se livrât a la première de ses expériences sensorielles.

Seul et à l’abris des regards, dans le grenier qui était devenu en peu de temps, son local d’expérimentation,  il fermait les yeux, après une énième lecture, puis laissait son esprit se vider de toute pensée, celles-ci lui semblait disparaitre peu à peu, comme des nuages poussés par le vent, une fois qu’il parvenait a ressentir assez de vide dans son esprit,  il tentait ensuite de laisser s’évanouir toutes les sensations qui pouvaient lui venir de son corps, et particulièrement du bidule, jusqu’à ce qu’il parvienne a oublier que celui-ci existe, c’est alors qu’il se laissait aller a ressentir par le biais de son imagination de nouvelles connexions nerveuses, petit à petit, celles-ci se faisaient plus précises, et gardant ses yeux fermés,  il se concentrait alors sur sa poitrine, comme si ses seins s’étaient développés, ou son bas ventre comme si un sexe féminin y remplaçait le bidule, il parvenait a des sensations si fines qu’il lui était possible  de ressentir, en se contractant légèrement, ce que serait la cavité d’un vagin, dans son ventre, ou les contours de ce que serrait sa vulve, cette expérience ne faisait jamais appel au toucher, il ne s’imaginait pas qu’il touchait son sexe, le seul fait de le sentir comme faisant partie de son corps, de se réveiller avec, de s’endormir avec, ou de se fondre dans la foule avec ces sensations-là, suffisait a le rendre heureux, il éprouvait par la seule pensée une sensation de liberté, de confiance en lui qu’il n’avait encore jamais éprouvée jusque-là.

Bien évidemment, cette nouvelle expérience avait ses limites,  et le retour à la réalité décevait beaucoup Julius,  il avait conscience d’avoir pris une direction dont il ne pouvait pas savoir par avance jusqu’où elle l’amènerait,  son secret commençait a prendre une importance qu’il n’avait pas soupçonnée, mais il se sentait parfaitement incapable d’effacer de sa mémoire ce qu’il venait de vivre depuis maintenant des semaines, des mois….

D ’autre part, la curiosité d’aller plus loin le dévorait,  mais en y réfléchissant bien, il se disait qu’il serait peut-être très déçus de se retrouver soudainement transformé, ou de devoir du jour au lendemain vivre au féminin et être considéré comme une fille,  il n’ignorait pas qu’il existait une distance notable entre le fantasme et la réalité, et socialement, la perte de la virilité supposait un changement de vie radical.

Il se demandait si son psychisme supporterait cette situation et si il n’éprouverait pas de remords,  de plus, il fallait que physiquement il parvienne a être le plus proche possible de ce qu’aurait réalisé la nature, pour éviter moqueries et rejets, qui finiraient, tôt ou tard, par rendre son existence si pénible qu’il en viendrait a préférer se supprimer, tout ça était donc très dangereux…

Julius savait que ce que l’on considérait comme des minorités, comme les homosexuels, n’avaient pas une existence des plus faciles, on feignait a leur égard, une certaine tolérance, mais justement, évoquer une tolérance prouvait bien qu’il y avait, en fait, intolérance et rejet, il sentait bien dans son entourage que, dans le fond, peu de gens les considéraient comme leurs égaux, les ridiculiser, les humilier ou les discréditer du seul fait de leur homosexualité était chose courante, banalisée, les agresser pour ses mêmes raisons était une chose normalisée, et pourtant, l’homosexualité en comparaison de ce que visait Julius était bien peu de chose….

Il lui apparût rapidement évident que l’on ne pardonnerait pas le reniement de la virilité, l’abandon du statut d’homme au bénéfice de celui de femme, la société était modelée par un dogme qui faisait encore de la femme, un être inférieur a l’homme, et qui devait lui être soumis, revendiquer ouvertement le droit d’envoyer paitre son statut de mâle lui vaudrait les pires ennuis, il en avait pour preuve les agressions dont il avait toujours fait l’objet, sans même pousser le bouchon, en étant naturellement lui-même, alors basculer définitivement de l’autre côté ne ferait qu’aggraver sa situation…

Jamais comme à ce moment-là Julius n’éprouvât de la colère à propos de ces discriminations, ce regard des hommes sur les femmes était ridicule, comme l’aveu de ce qui lui apparaissait comme étant finalement, un sentiment d’infériorité.

Plus il s’immergeait dans l’univers féminin, et plus il avait la certitude que c’était bien elles, qui menaient le bal, et ce, depuis l’origine…

Si il y avait un travestissement  qui aurait fait crever de honte Julius, c’était bien celui-ci, cette peur des femmes, ce sentiment d’infériorité déguisé en volonté de se sentir supérieur, il ne trouvait plus aucun crédit a accorder aux dogme qui prétendait que la supériorité du mâle sur sa compagne était naturelle, ce n’était plus a ses yeux, que le fruit d’une imagination déréglée par les  besoins du bidule, et il lui était impossible de s’épanouir dans un monde imaginé par des têtes de nœud, pire, en étant lui-même assimilé a ces têtes de nœud.

D’ailleurs  chaque jour qui passait voyait les fondements de ce barnum vaciller sous les coups portés par les femmes, sans violence, juste avec leur esprit et leur volonté, leur courage, les énergumènes qui avait résumé le monde a leur petit bidule voyait leur domaine se réduire petit à petit,  il s’accrochaient de façon de plus en plus désespérée a ce qu’il en restait, en se rassurant de  propos crétins qui leur chantaient la victoire sur les êtres dénués d’esprit, de volonté de courage, et pour Julius, qui portait son regard vers l’avenir,  la raclée ne faisait que commencer, les « valeurs immuables » finiraient avec le reste, dans la déconfiture, et c’était tant mieux.

Le statut social que conférait la virilité ne lui  évoquait plus rien d’autre qu’un ennui profond,  et de fait, Julius était encore loin de se douter de jusqu’à quel point, il allait se faire rudement chier…

Par quelque aspect qu’il envisage de se faire une idée de ce qu’était l’existence de l’autre côté de la frontière entre les hommes et les femmes,  celui des femmes représentait a ses yeux un eldorado qu’il rêvait de connaitre un jour non pas en spectateur, mais en vivant au féminin.

C’est durant les semaines suivantes que lui vint de plus en plus fréquemment l’idée de se livrer a une nouvelle expérience sensorielle, qui cette fois ferait appel au toucher, et au regard autant qu’a l’imaginaire,  Julius se demandait quelles seraient les conclusions qu’il pourrait en tirer,  et il était d’avis que si il menait cette expérience a bien, il pourrait déterminer avec plus de certitude si vivre au féminin lui conviendrait vraiment.

En même temps, il hésitait et ne se pressait pas vraiment pour passer a cette étape, il nourrissait des craintes que l’expérience ait une incidence irréversible sur le très long terme, si  son résultat s’avérait être positif,  il lui serait alors impossible de faire marche arrière,  il n’était pas sûr de pouvoir effacer totalement de sa mémoire cette expérimentation sur lui-même, mais si le résultat était négatif, si il se trouvait mal a l’aise en cours d’expérimentation,  ça ne serait jamais qu’un mauvais souvenir aux proportions minimes.

De plus, un résultat négatif lui donnerait la confirmation qu’en réalité, il s’était trompé et que finalement, il s’était fait tout un cinoche dans sa tête, ce qui le soulagerai enfin de ses doutes, il se résolut donc de mettre son projet a exécution, se disant qu’il n’y aurait rien a y perdre, et tout a gagner, et la curiosité sensorielle vint a bout de la logique et du raisonnement….

Au cours de l’une des absences de ses parents, Julius profitant du calme des après-midi, a une heure ou tout le monde faisait une sieste, se mit a chaparder discrètement tout ce dont il avait besoin dans les penderies et les commodes  des chambres,  et après avoir empruntés de cette façon maquillage bijoux et rouge à lèvre,  il glissât le tout dans un sac, avec une brosse a cheveux et une petite glace, avant de gagner le grenier.

Une fois dans celui-ci, Julius déposât soigneusement son butin sur un vieux fauteuil puis il s’assurât comme a chacune de ses visites au grenier que tous les arachnides présents faisaient eux aussi la sieste,  il y avait là de sérieux spécimens, et très rapides s’ils étaient dérangés, il en éprouvait un dégout extrême et une certaine trouille.

Il attendit un moment,  ses pensées s’agitaient car il était anxieux, se disant que cette nouvelle expérience était peu commune, et qu’il aurait du mal a s’en expliquer si on le surprenait, il estimât qu’il avait environs une petite heure devant lui pour la mener a bien, et au bout d’un moment, il se dévêtit entièrement.

La soie et d’autres étoffes légères qui venaient glisser sur sa peau tandis qu’il s’habillait lui donnaient une impression de douceur qu’il aimait bien, les vêtements féminins lui paraissaient bien plus légers et agréables a porter, il fit quelques pas en les ajustant, puis posât la glace sur le fauteuil,  en prenant dans sa main la brosse a cheveux, les siens longs et épais invitaient a un exercice de coiffure, dont Julius fut au bout d’un quart d’heure satisfait.

Au fur et a mesure qu’il avançait dans son expérience sensorielle, Julius  ressentait une subtile ivresse et une euphorie, il ne pouvait plus vraiment distinguer si cette ivresse euphorique était produite par ses sens ou par ses pensées qui fusaient dans toutes les directions, c’était comme si soudain tout ce qui composait sa personne frémissait a l’unisson, de l’érotisme le plus débridé jusqu’aux pensées les plus aériennes, tout cela se mêlaient dans un frisson qui lui coupait le souffle, il se sentait incapable de résister a ce tourbillon qui l’entrainait très loin de la torpeur morose de son quotidien…

Il avait bien quelques fois observée sa mère quand elle se maquillait mais il fit confiance a son propre instinct pour choisir dans quelle ordre appliquer les ombres a paupières et autres cosmétiques, et après avoir lissés ses longs cils courbes de mascara, il s’observât un instant dans le reflet de la glace, l’ivresse euphorique était totale,  il était tout prêt d ’atteindre son objectif, se féminiser le plus possible.

La saveur fruité du rouge a lèvres le surpris et ajoutait encore a ces sensations de plénitude, il s’observât avec attention,  et avec un calme solennel, avec l’impression étrange de se reconnaitre mais sous un autre aspect, comme si sa sœur jumelle se tenait debout, devant lui, et finalement il lui apparût clairement que cette image lui convenait mille fois mieux, d’autant qu’il venait de s’apercevoir qu’il lui était facile avec peu de moyens de la rendre crédible, et vivante….

Il se mit alors a marcher de long en large dans le grenier, pris dans le tourbillon de ses pensées qui le transportait dans toutes les situations possibles, ce fut la première fois qu’il eut envie de vivre chacune de ces situations intensément,  comme si il s’extirpait d’un mauvais rêve pour enter dans un conte de fées,  les visages familiers de ses proches ou d’autres, défilaient et découvraient a leur tour sa métamorphose,  aussi surpris qu’il l’était,  tous étaient unanimes pour constater qu’il avait été jusque-là,  victime d’une erreur sur la personne…

Tous paraissait soudainement possible a Julius, et surtout affronter la vie en ayant confiance en soi, bien plus que la féminisation apparente, la féminisation de toute sa personne y contribuait,  on lui donnerait un nouveau prénom, et tout serait fait pour effacer jusqu’au moindre souvenir de ses premières années, il se sentait  d’autant plus triste en les évoquant au  cours de son expérience, mais il reprit le cours de ses réflexions.

Il ne pourrait pas avoir deux existences, et mener deux vies à la fois, le rêve avait ses limites, et une simple féminisation  vestimentaire, ou avec du maquillage ne durerait pas, elle était surprenante du fait de son très jeune âge, mais avec le temps, cela lui serrait de plus en plus difficile,  et serrait rapidement insuffisant pour le satisfaire pleinement,  il se mit alors a réfléchir a des moyens pour féminiser son corps…

C’est à ce moment-là que Julius prit conscience que la portée de l’expérience le dépassait,  qu’il avait perdu le contrôle, mais ça n’avait plus de réelle importance, c’était inévitable, ce qui devait arriver, un jour ou l’autre, se produisait là, dans ce grenier, finalement il était préférable de prendre conscience des choses maintenant, il n’avait pas agi par pur hasard, la force qui l’avait poussé a vivre l’expérience était irrésistible, elle était sa force vitale, d’où lui venait cette sensation d’ivresse d’une renaissance.

Julius avait hésité au début de l’expérience a ajuster un soutien-gorge sur sa poitrine, en le bourrant de tissus, mais il n’en avait rien fait, cherchant bien mieux qu’une imitation a force d’artifices,  et cherchant a voir un aspect le plus naturel possible, il était possible qu’il existe des moyens de faire pousser les seins, ou peut-être qu’un jour proche, il lui arriverait ce qui était arrivé des années plus tôt a son frère aîné, ses seins se métraient a pousser….

Restait la question de ses organes sexuels, l’expérience lui démontrait que les forces qui faisaient réagir  le bidule étaient décuplées dans ses conditions, mais l’organe ne correspondait plus, il lui serait impossible ou extrêmement difficile de dissimuler sous ses jupes toute une vie durant cette réalité morphologique, et cela limiterait  fatalement son intégration parmi les autres filles, il ne serait qu’à la moitié du chemin, et finalement privé de ce qui avait la plus grande importance, et qui était justement, une vie privée.

Son corps demeurerait dans ces conditions, sa propre prison, et la pire de toutes, son euphorie  cédait la place a de l’inquiétude,  il décidât d’observer son corps a l’aide de la glace, et remarquât la suture périnéale, entre ses jambes, il n’y avait jusque-là jamais prêté attention,  mais il en était très troublé, car la seule explication possible a la présence de cette suture, bien nette, était qu’autre chose s’était refermé, ou encore, que quelqu’un l’avait refermé….

Il fut parcouru d’un frisson en imaginant ce qui avait pu se produire, il y avait tant de choses dont il devinait qu’on les lui avait cachées, concernant sa naissance,  qu’il était possible que ses parents aient demandé a un chirurgien de procéder a certaines modifications, tout s’expliquait soudain, les modifications n’avaient pas pour autant modifié son cerveau, son âme….

Il était peut-être né avec les deux sexes, ou un plus important que l’autre, ou même un autre sexe, et on avait décidé pour lui, a un âge où l’on était certain qu’il ne se souviendrait de rien,  mais il s’était souvenu, il savait que poser des questions n’aurait pour réponses que des mensonges jugés convenables, dans le but de le rassurer, il en voulut a ses parents pour cette cruauté, et pour l’avoir trompé et voué a une existence volée, et inadaptée a sa sensibilité  d’âme, il avait envie de pleurer, tant l’abime de sa solitude lui semblait insondable.

Il se reprit et décidât d’élucider tout cela plus tard, et quoi qu’il en soit, il avait la ferme conviction que ce que l’homme, ou la nature avait refermé une fois, un chirurgien pourrait l’ouvrir a nouveau, c’est de cette façon qu’e lui vint pour la première fois l’idée d’une opération chirurgicale…

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Il se mit a y réfléchir fébrilement, si les humains avaient plus de points en commun que de différences,  la nature avait donc dut prévoir que les organes sexuels puissent être adaptables a chacun, et donc, il devait être possible de créer, ou de recréer un vagin, et de modifier le bidule, ou d’en utiliser une partie, et de supprimer tout ce qui était en trop, il touchait du doigt par la pensée la solution  a son mal être, celle qui scellerait l’achèvement de sa métamorphose.

En se débarrassant de sa tenue, et en se rhabillant a nouveau, Julius abandonnait sa rêverie, mais il sentait que quelque chose d’irréversible  s’était produit en lui, comme il l’avait un peu redouté, quelque chose qu’il ne parviendrait jamais a effacer de ses souvenirs, plus que jamais il se sentait seul sur une corde tendue au-dessus du vide qui sépare les hommes et les femmes, il éprouvait l’envie de parcourir a nouveau cette étendue pour être de l’autre côté, il lui fallait être sûr et certain qu’il avait bien envisagé tous les possibles,  avant de chercher à sensibiliser ses parents a sa situation,  car il ne pourrait pas s’en sortir tout seul, il lui faudrait l’aide des médecins….

Le maquillage sur ses traits enfantins avait quelque chose de décalé, mais chargé de promesses,  Julius décidât de continuer a ne rien révéler a personne de son secret, tant que des circonstances favorables ne se présenteraient pas pour qu’il demande de l’aide a ses proches.

 

19 juin 2015

Trente et unième Bafouille...

Dans le fond, et a plus d’un moment, Julius ne savait pas très bien pourquoi ni comment il avait décidé de persévérer dans la voie du dessin, quand il tentait d’apporter des réponses, toutes se perdaient dans une sorte de brume qui émanait de son enfance, ou qui laissait parfois entrevoir des lambeaux de souvenirs des derniers moments où il avait vu son père en vie…

Alors qu’il se trouvait a douze ans bientôt chez sa grand-mère, avec son père malade, ses dispositions au dessin que tous remarquaient lui fournissaient curieusement une protection contre ce père tyrannique, et maladivement narcissique, Julius finit bientôt par nourrir l’ambition de l’égaler dans ce domaine, et finalement celle de le surpasser un jour, pour l’heure, il était sûr qu’il parviendrait de la part de son père a recueillir au moins, un peu de reconnaissance, et de compliments par ses dessins,  Julian ne pouvait pas ignorer que tout l’entourage de Julius remarquait ses qualités d’artiste en herbe, et personne comme Julian n’était aussi attentif  aux réactions de l’entourage, pour éviter autant que possible, les sermons et les coups de semonce de son père, ou la violence de ses colères, il le tenait d’une certaine façon en respect du bout de ses crayons.

Son père exerçait avec encore plus d’acuité, un contrôle permanent sur tout et tout le monde, rien ne lui échappait, et il se méfiait de tout le monde qui l’entourait, la moindre attitude ou le moindre propos qu’il jugeait suspect donnait lieu à un examen détaillé, en privé ou en public, avec de cinglantes critiques.

Il était parvenu depuis longtemps, des années, a instaurer un climat de défiance parmi ses proches, une violence latente rôdait toujours autour de tous, planait dans l’atmosphère, du seul fait de sa présence, il se donnait le pouvoir de décider de chaque action à faire, et a travers chaque conversation sur tout type de sujets, chercher a déceler les signes de ce qu’il considérait comme une trahison a ses principes, a une sorte de code moral dont, du reste, lui-même était bien le seul à connaitre les contours précis.

Il avait finalement réussi a détruire chez sa femme, ou chez ses enfants, toute volonté ou velléité de pouvoir se construire une personnalité  différente d’un archétype sortis de son imagination, et qui finalement, n’était qu’une imitation sans vie de son propre personnage, seule sa parole était digne d’être écouté et il l’avait érigée en dogme , se retranchant derrière ses connaissances livresques, et un ensemble de rituels qui étaient des traditions familiales immuables…

Cependant, il ne cessait d’exhorter ses enfants a se construire une forte personnalité, et a sortir du lot du commun,  a se distinguer des autres, mais tout en les mettant au défis de le faire, il sapait quotidiennement les fragiles fondations de chaque individualité, et de chaque personnalité.

Entre deux gorgées d’élixir parégorique, il dictait sa doctrine, assis dans un fauteuil,  il avait fait transporter une bonne partie de leur mobilier à la campagne, dans la maison de famille de Louise, et Julius devinait que ça avait provoqué des tensions entre les deux familles, et il en souffrait,  il commençait a envisager que son père, finalement, n’ait accumulé qu’une longue série d’échecs et de naufrages, tout au long de sa vie, et alors qu’il voulait donner l’illusion de tout le contraire, perdu dans son délire de grandeur et de splendeurs passées.

il l’observait, assis dans son petit fauteuil crapaud tendus de velours de couleur sable, des lunettes sur le nez, plongé dans sa lecture,  le flacon d’élixir posé sur une table basse de marbre vert,  fumant une cigarette, avec en fond sonore un tourne disque qui égrenait le crépuscule des dieux….

La mère de Julius elle, avait toujours lutté pour éviter a tout son monde de faire les frais des dérapages et des délires de Julian, après des années passées a jongler avec les dettes et les huissiers,  prostrée dans une souffrance silencieuse, elle tentait  maintenant de rassembler tout ce qu’il lui restait d’énergie pour le soutenir et l’accompagner dans sa dernière aventure, dont l’issue fatale se dessinait chaque mois un peu plus nettement.

Il arrivait que Louise, dans ses dernières limites, laisse exploser sa colère, et son désarroi, comme toujours, ces courts épisodes de révolte contre l’ordre implacable imposé par Julian donnaient lieu a de violentes colères de sa part,  et ses explosions de violence plombaient l’atmosphère pour plusieurs heures, ou plusieurs jours…

Le reste du temps, elle était entièrement dévouée a sa personne, s’assurant qu’il ne manque de rien, et faisant l’impossible pour satisfaire ses caprices, prendre le bus, aux aurores, pour se rendre en ville lui acheter un certain poisson, au marché, ou certains légumes, ou fruits, parcourir la ville a pied pour trouver une pâtisserie ou elle puisse se procurer une friandise qu’il aimait particulièrement,  malgré tous ses efforts, elle essuyait les critiques du tyran, Julian était de ses personnages qui ne sont jamais entièrement satisfaits.

Julius, au point d’entrer dans l’adolescence, sentait qu’il allait devoir bientôt, comme sa mère, et ses deux frères, affronter ou subir de plus en plus fréquemment cette violence, cette volonté de modeler l’autre comme un instrument de ses desseins,  ce contrôle des esprits qui ne laissait aucune ouverture dans laquelle on aurait pu s’enivrer de quelques bouffées d’air, de liberté, alors il se plaisait a vagabonder à travers la nature, les chemins, à la découverte de la seule chose qu’avait épargné la toute-puissance de la pensée du père….

Un monde où il pouvait ressentir et déceler des émotions, dans lequel il pouvait écouter les accords subtils entre son être intérieur, et ce qui l’entourait, a perte de vue, sans craindre le jugement et le raisonnement, il se sentait étouffé et fragile  dans sa maison, mais une fois sur les sentiers qui menaient a un ruisseau, ou un lieu qui lui était encore inconnu, il se sentait soudainement plus fort, mais seul.

Il pouvait alors s’extraire, l’espace de quelques heures, de l’impitoyable compétition que son père avait instaurée entre  ses enfants pour leur distribuer ses compliments, un peu de sa reconnaissance…

Julius observait sans relâche cette nature et tentait de percer tous ses secrets, il lui était arrivé de se demander si ses parents avaient une vie intime, et a quoi elle pouvait bien ressembler, tant il n’en avait jamais décelé la moindre trace d’existence, il savait par le récit qu’en faisaient, avec humour, quelques un de ses camarades, que cela existait, chez d’autres, mais il semblait que ça n’existait pas chez lui, comme si ses parents ne s’étaient aimé charnellement que pour faire leurs enfants, et ce vide le rendait triste, il lui arrivait d’envier ses copains qui semblaient grandir dans un cocon familial rassurant, ou tout lui paraissait simple, et dans lequel les choses de la vie étaient abordée sans les détours élaborés par les fantasmagories de son père, en comparaison, celui-ci avait bâtie une véritable chape de plomb autour de tout ce qui touchait a la vie de couple, et en définitive, au relations sexuelles et aux liens affectifs qui en découlaient.

Cet édifice impalpable et néanmoins bien présent a l’esprit de tous, lui paraissait monstrueux, un assemblage d’échafaudages fragiles,  secoués par les vents, qui maintenait une succession de pièces vides, empilées les unes sur les autres dans un désordre effrayant,  sorte de château de carte, fait de planches disjointes qui s’élevait dans le ciel jusqu’à se perdre dans les nuages, vouloir parcourir cet édifice jusqu’à son sommet, pour en comprendre le plan initial, tenait pour lui de l’impossible…

De plus en plus curieux de la véritable nature des relations de couple, du fait de son entrée imminente dans le monde des adolescents, et de plus en plus préoccupé de connaitre la nature des relations de ses parents, il s’interrogeait à la lumière de ses observations,  et en arrivait a la conclusion que leur relation était faite d’une sorte de fascination hors nature nourrie par un narcissisme exacerbé,  un fétichisme certain qui se dévoilait à travers des attitudes et des comportements rigoureusement codifiés, et desquels la vraie tendresse  née de l’épanouissement des sens était exclue, cet ensemble tenait de la relation sadomasochiste, et dans cette relation, son père comme sa mère tenaient alternativement le rôle de victime, ou de bourreau, cette soudaine prise de conscience le plongeait dans un désarrois profond.

Cette relation prenait donc place dans ce que Julius considérait jusque-là, comme étant le registre des perversions, il n’avait alors qu’une connaissance réduite des comportements pervers, mais dans son jeune esprit, tout ce qui ne ressemblait en rien a une relation amoureuse , tendre et sincère, entre deux êtres qui se témoignaient du respect et qui s’épanouissaient dans le plaisir charnel qu’ils partageaient, était  déviant, ou pervers, et la souffrance morale qu’il éprouvait de faire ce triste constat lui donnait des ailes pour enrichir, plus tard, ses connaissances sur ce sujet.

Dans cette relation,  le fait que son père ait imposé a tous un patriarcat des plus intransigeants,  s’appuyant sur ce qu’il prétendait être des traditions culturelles, et sous couvert du dogme de l’église, lui donnait dans la plupart des cas, le rôle de dominant, il se servait en réalité de son intellect et de son pouvoir de séduction pour dominer tous ses proches, les prendre au piège de son édifice bancal,  pour ensuite les laisser désemparés cherche, en vain, la sortie….

Il savait qu’inévitablement,  tels des fourmis,  ses sujets graviraient fébrilement l’édifice,  croyant trouver enfin, une issue, jusqu’à épuisement, le père de Julius demeurant invariablement insondable sur ses véritables intentions,  tel un monolithe dépourvu de la moindre émotion,  et n’éprouvant aucune compassion  pour cet entourage qui s’épuisait  a parcourir l’assemblage de pièces vides.

Louise exerçait sa domination  sur Julian a de plus rares occasions, pas en usant de spéculations intellectuelles, avec un homme comme Julian, s’était chose impossible tant il avait instauré un rapport aux autres dans lequel ceux-ci  devaient se contenter de l’écouter, et où tous donnaient cette impression qu’ils buvaient ses paroles, mais elle pouvait en revanche, le déstabiliser, ou le discréditer devant ses enfants avec les questions d’argent, et les nombreux naufrages financiers dans lesquels ils les avait entrainés,  elle pouvait également lui faire remarquer qu’il se complaisait dans cette situation,  lui ayant toujours confié le soin de le libérer de toutes sortes de démarches,  et allant même jusqu’à  se reposer sur elle pour sa situation , usant et abusant de la capacité de sa femme a faire preuve de débrouillardise, il se retranchait inévitablement derrière le fait qu’il était étranger, et d’une certaine façon, elle l’avait protégé et sorti du pétrin, dès le début de leur relation, cet échange permanent de rôles dans leur relation  faisait que finalement, l’un et l’autre se servaient mutuellement de garde-fou, mais Julius découvrant cela en arrivait lui, fatalement a la conclusion  qu’ils étaient fous…

C’est à partir de ce moment-là qu’il décidât de faire tous les efforts possibles pour se préserver de cette folie, et ne pas devenir a son tour, totalement cinglé.

Ne pas se laisser entamer d’une façon ou d’une autre par cette atmosphère de déliquescence perverse camouflée en ordre moral devint sa priorité, et plus que jamais il se sentait en manques de repères, il lui paraissait évident qu’il ne trouverait pas ceux-ci au sein de la cellule familiale,  mais à l’extérieur de celle-ci, ce qui rendait sa quête d’autant plus difficile du simple fait que le monde n’était pas dénué de dangers, surtout pour un tout jeune adolescent d’à peine onze ans.

Même si il était de plus en plus impatient de se jeter dans le monde des adultes, ayant perdu en peu de temps l’innocence des autres enfants de son âge, Julius se voyait frêle et fragile, contrairement à ses camarades, il ne parvenait toujours pas a donner cette impression de virilité qui s’affirmait chaque fois plus dans leurs attitudes, et bien évidement, il ne manquaient pas de le lui faire remarquer, les railleries, les agressions et les brimades devinrent ses compagnons d’infortune,  presque quotidiennement à l’occasion des vacances, Julius encaissait les coups aussi bien au moral qu’au physique, en attendant que le supplice s’achèves avec la rentrée des classes.

Il se trouvait donc dans cette délicate situation, qui voulait qu’aller vers les autres représentait une planche de salut pour s’extraire du carcan familial destructeur, mais qui faisait également que ces autres lui étaient hostiles,  et se servaient de lui comme victime désignée de leurs frustrations a pouvoir s’affirmer, l’imaginaire restait le seul refuge dans lequel il avait la certitude que jamais personnes ne pourrait l’atteindre, ou le démolir.

Son imagination  se nourrissait de ses promenades dans cette nature qu’il observait  attentivement,  il se sentait doté d’une sensibilité hors normes, et de ce fait, capable de percevoir des choses qui échappaient a la plupart d’autres personnes, il s’était ainsi instauré un dialogue permanent  entre lui et cette nature, il avait fini par connaitre les endroits précis ou telle ou telle plante s’épanouissait,  ou tel ou tel arbre poussait, les différentes espèces d’insectes qui colonisaient plantes et arbres, certains lieux ou sentiers lui donnaient l’impression d’être chargés d’ondes plus ou moins positives,  de courants bénéfiques, d’autres, au contraire,  lui semblaient absorber beaucoup d’énergie, et chargés d’ondes plus négatives, ils demeuraient sombres et obscurs, même au plus beau du jour, peu de plantes y poussaient, et les arbres y dépérissaient, ou y étaient retardés dans leur croissance, et les ronces en rendaient l’accès difficile.

Il était surpris et amusé par la capacité de la nature a faire croitre et cohabiter les plantes bénéfiques pour la santé, ou les baies savoureuses, avec les poisons les plus virulents, le piège des apparences aussi, l’étonnait, le pire des venins se présentait sous un aspect des plus plaisant, les fruits mortels invitaient a la dégustation…

De retour à sa maison, alors que le soleil déclinait derrière le clocher de son village qu’il apercevait au loin, il trouvait des points de comparaison entre la diversité de cette nature et la diversité de ce que l’on pouvait connaitre de l’esprit humain, et cela au moment même où son esprit entamait une phase décisive de sa construction.

Jusque-là,  Julius avait durant plus d’un an traversé la phase de latence qui précède la puberté,  son imagination avait durant ce temps cessé d’être sollicité par les désirs sexuels et les fantasmes qu’ils généraient, son bidule, a son étonnement, lui fichait enfin la paix, et il en éprouvait une certaine satisfaction, cette situation lui laissant le champ libre pour réfléchir sereinement a tout un tas de choses qu’il considérait comme ayant une grande importance pour lui.

Cependant il attendait, avec quelques craintes,  de passer à l’étape suivante, et il lui arrivait a certains moments d’éprouver le désir d’être épargné par cette période de la puberté, alors que ses camarades l’attendaient impatiemment.

Son entourage, et bien sûr, son père, lui faisait sentir et comprendre qu’il allait bientôt prendre le chemin de devenir un homme, un mâle adulte, avec tout ce que cela impliquait socialement, et bien sûr, aussi, dans sa vie affective et sa sexualité.

Julius s’évertuait a se projeter dans ce futur mais sans parvenir a s’y reconnaitre et a en attendre un quelconque épanouissement, il s’imaginait en fin d’études, en homme accomplis et s’orientant vers une carrière, mais la reconnaissance que cela aurait pu susciter autour de lui le laissait  sans illusion,  endosser ce rôle lui apparaissait de plus en plus fréquemment comme une souffrance, née d’une vie sacrifiée au seul bénéfice des apparences, toutes ces situations futures qu’il imaginait le laissait  amer, et il était de plus en plus incapable de se sentir présent dans la communauté des hommes, avec le sentiment qu’il était victime d’une monstrueuse erreur de la nature, de l’une de ces choses que les autres ne percevaient pas, mais dont lui avait connaissance,  il voulait se convaincre du contraire, se disant que peut-être sa situation s’améliorerait naturellement, après cette puberté qu’il redoutait, mais il en était de moins en moins sûr, si il avait fait jusque-là les frais de cette erreur, d’aussi loin qu’il s’en souvienne, il n’y avait aucune raison pour que les choses n’aillent pas de pire en pire….

Quand il ne parcourait pas les sentiers à travers champs, Julius se confinait les après-midi dans le grenier de la maison, ou s’entassaient toute sorte d’objets, de vêtements et de livres, et aussi des piles de magazines féminins,  Julius se mit a les parcourir, inlassablement, du premier au dernier, à travers la quantité d’articles qu’il lisait et qui traitaient d’une multitude de sujets mais vus de l’autre côté de la frontière entre masculin et féminin,  il laissât rapidement son regard de jeune garçon céder la place a une approche toute différente,  et il fut surpris de n’éprouver aucune difficulté a avoir un autre regard sur le monde des femmes, comme si lui-même, en faisait partie, le moindre geste anodin, ou intime,  dont il lisait la description le fascinait,  et lui semblait bien plus facile et motivant que ce qui l’attendait,  au point qu’il éprouvât bientôt un désir profond de vivre comme elles, d’adopter de façon définitive une identité féminine, un mode de vie féminin,  et finalement, une fin d’après-midi,  il se rendit compte que ce qui rongeait son âme était plus que tout autre chose, la nécessité de se fondre dans le corps d’une jeune fille, pour devenir un jour une femme comme toutes les autres, en  révélant cette aspect de sa personnalité, il se sentit comme étourdit, et désemparé devant la complexité du processus a mettre en œuvre,  et dont il ignorait tout.

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Il lui apparut évident qu’il devait pour le moment, conserver soigneusement son secret,  et qu’en conséquence, à partir de cet instant sa vie se partagerait entre celle du Julius que tout le monde connaissait, ou croyait connaitre, et celle de cette entité féminine qui vivait intensément en lui, en attente de solutions pour enfin éclore au grand jour, il réalisât du coup que le temps allait jouer contre lui, et devenir inévitablement son pire ennemi, se trouver dans cette situation, entre deux mondes, deviendrait rapidement intenable sans risquer d’y perdre la raison, de plus, son passage d’un sexe  à l’autre se ferait d’autant plus facilement qu’il se ferait dans la jeunesse, il lui serait alors bien plus facile d’effacer toute trace du passé, et donc, de se faire accepter, il était encore possible de tirer pleinement parti de son physique dont l’ambiguïté prêtait encore souvent a confusion…

En descendant les marches de l’escalier qui menait au grenier, Julius tentait de ne plus penser a ses choses, la meilleure façon selon lui de bien les dissimuler a son entourage,  une fois parmi les siens,  dans le petit salon que son père avait agencé dans l’une des pièces, il eut soudain l’impression qu’ils étaient étrangers a la partie la plus importante de lui-même, mais ça ne faisait que lui rendre plus facile encore, la sauvegarde de son secret.

Les nouvelles n’étaient pas bonnes, Julian paraissait très préoccupé, bien que tentant de ne rien en laisser paraitre, les médecins avaient planifiés une intervention pour éliminer des foyers cancéreux dans l’intestin, malgré cela, tous voulaient croire dans le succès de cette intervention,  et le frère de Julian, chirurgien, prévint par téléphone qu’il se rendrait auprès d’eux, Julius observait et écoutait, tentant de déceler le contenu de ce qui n’était pas dit, et de ce qu’on cherchait a dissimuler.

28 mars 2015

Trentième Bafouille...

Fabrice écoutait ce récit que lui faisait Julius avec la plus grande attention, assez inquiet, et surpris que l’on tolère la pratique de  ce genre d’activités sportives, qui lui semblaient êtres assez violentes, et même plus que ça, il craignait que ça donne des idées…

Mais Julius le rassurât sur ce point, il n’était pas question d’agresser les gens, mais simplement de se défendre en cas d’agression, et puis Julius était un pacifiste convaincu,  d’autant qu’à côté de ces disciplines  très offensives et exigeant une certaine condition physique, il pratiquait également une forme de boxe Chinoise très ancienne,  toute en lenteur et en détente, qui encourageait la non-violence, et la non agressivité, un art qui transformait l’individu de l’intérieur, aux multiples vertus tant thérapeutiques, que méditatives, il avait appris cet art de monsieur Tong.

Il avait rencontré tong un peu par hasard, un jour qu’il se baladait, Tong était âgé d’une soixantaine d’années, et ne se départis sait jamais d’un sourire serein, il était petit, et assez trapus, pourtant il était capable d’exécuter des enchaînements de mouvements a une vitesse stupéfiante,  de bondir soudainement a plus d’un mètre du sol pour décocher une série de coups de pieds, mais aussi de soulager une rage de dents ou d’autres douleurs par une simple pression de ses doigts a un endroit précis de la nuque, ou du corps…

Il avait transformé Julius en profondeur, pas seulement sa façon de respirer, ou de sentir son corps, mais aussi sa façon de voir et de comprendre le monde qui l’entourait, son Kung Fu était bien différent de celui des acteurs de cinéma de Hongkong, et mystérieux par bien des aspects, et il avait permis a Julius de faire de rapides progrès dans les autres disciplines qu’il pratiquait, tout comme de se prémunir de nombreuses maladies qui gâchait le quotidien de la plupart des gens, avec la saison froide, comme la grippe, ou les angines…

Cet art touchait a tous les aspects de la vie au quotidien, même les plus insolites, comme le tagada,  ou « jeux des nuages et de la pluie », Julius n’aimait pas associer a ce jeux la notion de performance, mais toujours est-il qu’il était devenu au fil du temps, et a force de pratique de cet art étrange, parfaitement maître de lui dans ces moments délicats, plus imaginatif, plus sensible et donc finalement, plus performant…

Mais Fabrice était d’avis que Julius n’avait pas atteint encore totalement son équilibre, quelque chose empêchait son épanouissement, quelque chose de profondément enfouis en lui, bien qu’étant lui-même doué d’une perspicacité redoutable, il ne parvenait pas a savoir quoi, au juste, et ça l’intriguait,  ce devait être, de son avis, quelque chose d’intime, qu’il se donnait le temps de percer a jour.

Les difficultés que Julius avait connues et qu’il connaissait avec sa famille ou son entourage, ne pouvaient pas être seule responsables de cet état de fait, et la situation du jeune artiste lui semblait très délicate.

Il n’était, selon son expression, ni juif, ni pédé, ni franc maçon, ce qui limitait ses chances de réussite, d’autre part, Julius n’avait pas de fortune, pas plus que de carnet d’adresses bien fourni, persévérer dans la voie de la peinture ou du dessin, était voué a l’échec, du moins, de son vivant, il crèverait tôt ou tard la gueule ouverte dans le caniveau, c’était mathématique.

Il accusât Julius de ne pas assez travailler, avec un tas d’invectives de son cru, le traitant de sale petit gauchiste fainéant comme une loche, de sale petit immigré espingo de merde, a la con, ce qui avait pour effet de se faire tordre de rire Julius,  qui relevât au passage, que Fabrice n’était pas lui non plus, un modèle d’équilibre…

Fabrice maniait les mots comme autant de grenades offensives, de munitions, pour quelqu’un comme Julius qui ne prenait pas les choses au premier degré, et qui lui-même avait été habitué a l’humour cinglant de son père, Julian, ça pouvait passer, mais pour d’autres, le risque pour Fabrice de se faire exploser la tronche était grand.

Fabrice n’y pouvait rien, il maudissait les mots édulcorés, la langue de bois, le langage fleuri de boniments, la flagornerie insipide, il se définissait comme étant un artiste de l’insulte, de l’invective, et il déplorait que de nombreux crétins ne partagent pas son gout pour cet art des mots, les engueulades n’étaient jamais aussi drôles que lorsqu’elles en faisaient un usage presque abusif, extravagant,  il fallait que ça pète le feu, les crétins qui voulaient le faire taire par l’usage de la force brute n’étaient que de sinistres abrutis dépourvus d’arguments…

Il était persuadé que Julius lui dissimulait quelque chose, et peut-être même que Julius se le dissimulait a lui-même, mais quoi, exactement….

Celui-ci ne savait quoi lui répondre, se trouvant à nouveau confronté a ce tunnel obscur de sa conscience, au bout duquel se trouvait la vérité, mais pour y parvenir, il aurait dû traverser le tunnel, et ouvrir tant de blessures profondes de l’enfance, ou de l’adolescence, et c’était tout simplement au-dessus de ses forces, même avec la meilleure volonté du monde.

Si il avait prononcé les mots justes, devant Fabrice, ou qui que ce soit, il aurait aussitôt eu envie que la terre l’engloutisse aussitôt après, il avait la désagréable impression qu’il serait mort d’une syncope, tant l’émotion l’aurait submergé, c’était trop violent, et il n’aurait trouvé face à lui, qu’un mur d’incompréhension, un néant qui l’aurait détruit.

Julia, elle, aurait spontanément trouvé les mots, et dans le plus grand calme, sereinement, elle les aurait balancé a Fabrice, ou à qui que ce soit en pleine gueule, droit dans les yeux, sans vaciller une seule seconde, avec une force et une assurance qui aurait laissé Fabrice à poil, le cul par terre, l’œil rond et hagard, la bouche entrouverte et vide de mots, ou d’invectives,  puis elle aurait a son tour envoyé une bordée de tous les diables a son interlocuteur, le perçant à jour comme personne ne l’aurait encore jamais fait, posément, et avec une foule d’arguments…

Mais à ce moment-là, Julius était à des années-lumière de supposer que des années plus tard, elle puisse faire cela, en son nom, Julia n’occupait en lui-même qu’un espace réduit et sombre, murée dans du béton des plus solides, Julius l’avait un jour claquemurée dans son inconscient, emprisonnée dans le mensonge, le paraitre, le convenable de gens inconvenables, comme pour l’étouffer, mais aussi, paradoxalement, comme pour mieux la protéger des agressions extérieures.

Et c’était précisément ce paradoxe qui minait et détruisait Julius, lentement, silencieusement, de l’intérieur.

Autant chez Fabrice, que chez Julius, la souffrance intérieure s’exprimait dans la violence du verbe, l’alcool,  les excès en tout genre n’étaient que des baumes qu’ils se passaient et se repassaient quotidiennement sur des plaies béantes, calmer la douleur était devenu une priorité qui avait pris le pas sur l’impératif de soigner le mal à la racine…

Fabrice avait fait le choix de demeurer en souffrance, il avait bien cherché la solution,  mais estimait avoir trouvé un certain équilibre, dans sa conduite auto destructive,  mais pas Julius, qui écopait d’une double peine, celle de souffrir et de s’auto détruire, pour ne plus souffrir, et celle de souffrir d’assister, impuissant a sa propre destruction, du fait de lui-même, il conservait malgré tout, l’espoir de pouvoir un jour, briser ce cycle infernal, mais quand….

Le temps était son allié, mais aussi, son pire ennemi, plus il avançait dans l’âge, plus les années s’écoulaient, et plus elles s’écoulaient aussi pour l’autre, qui vivait étouffée dans sa propre prison, sinistre et froide, et les flétrissures de l’âge s’accumulaient inexorablement.

Il ne pouvait cependant se résoudre à demeurer sans rien faire, il n’avait que son art pour seule voie de sortie, pour seule soupape qui lui permettait de ne pas crever asphyxié, mieux valait crever debout, et lucide, que de sombrer dans la folie pure, car privé d’art, il se sentait au bord du potage de câble,  définitif, et sans retour, dans un cas comme dans l’autre, c’était marche ou crève, alors il marchait, tel un somnambule, dans sa nuit de tous les jours…

28 mars 2015

Vingt nuevième Bafouille...

Fabrice était assez surpris et choqué qu’un type comme Julius se trouve dans la merde,  il était sympathique et avait du talent, et il se demandât comment lui venir en aide, ce n’était pas facile étant lui-même dans une passe très difficile, mais il allait y réfléchir.

Il lui refilât son téléphone,  en lui précisant qu’il pouvait l’appeler et passer boire un verre quand il le voulait,  et ils se séparèrent.

Julius se réveillât assez tard le lendemain,  il n’avait pas trop mal supporté le choc du Whisky, mais il avait l’impression d’être comme Donald qu’il avait vu dans un dessin animé, et qui se réveillait en s’apercevant soudain qu’il se trouvait dans une baraque en forme de croix gammée, et que tout le quartier était bâtit sur le même schéma…

La discutions de la nuit avait fait surgir tout un décor qui le faisait gamberger en fumant sa première tige de la journée.

Pour autant qu’il le sache, l’absent n’avait jamais eu de délire raciste, certes, ses méthodes étaient expéditives, mais la guerre ethnique, avec ses épurations, il n’en avait jamais entendu parler.

C’était une spécialité des Allemands,  et Julius était d’avis qu’Adolf était l’un des pires cinglés  qui ait existé,  une sorte de petit fumier hystérique, obsédé de la mesure anthropométrique.

Il trouvait que Dali l’avait bien résumé en disant de lui qu’il avait été le plus grand masochiste de l’histoire, en déclarant une guerre sachant pertinemment qu’il allait la perdre.

Il y avait même des courants crétins qui avaient pollués la culture de Julius, qui n’existait pas à l’époque de l’absent, ou d’Adolf,  la culture du rock’n’roll….

Plus jeune Julius avait eue maille à partir avec des teddys boys crétins,  qui se baladaient dans de vielles caisses restaurées,  des Arondes, Versailles ou quatre cent trois,  avec des looks de rochers des années cinquante, arborant des drapeaux de la confédération des états du sud.

Ils étaient méchants, cons et agressifs,  et racistes.

Julius en savait plus qu’eux sur le Rock’n’roll,  et le rythm & Blues, il n’y avait pas de Rock’n roll sans les pionniers du blues et les chanteurs noirs, dire que l’on était fan de Rock’n roll, qui plus est des débuts, et détester les noirs, c’était comme dire que l’on aimait le flamenco tout en détestant les gitans, ça n’avait pas de sens….

Des années après Julius s’était fait un copain de l’un des pires d’entre eux, un de leur chef.

C’était un énergumène taillé comme une armoire a glaces, avec une tête d’indien tatouée sur la poitrine, et des tatouages partout sur les bras, une vraie bande dessinée.

Il avait conservé sa coupe en banane, et ses favoris,  et s’était laissé pousser une barbe, on l’appelait Treets.

Ils avaient évoqués autour d’un verre en rigolant, le temps où  Treets et ses copains cherchaient des embrouilles a tout le monde,  Treets avait bien changé, il en avait eu marre des embrouilles, il avait bien chargé…

Ils avaient parlé de rock’n roll, qui était toujours la principale passion de Treets,  sauf que cette fois, Treets avait pleuré en évoquant les pionniers, les blancs ou les noirs, et qu’il avait offert une tournée aux copains de Julius, parmi lesquels des musiciens noirs, qui de plus jouaient sur des instruments vintage.

La bande de copains de Treets  s’était dispersée dans la nature, certains s’étaient retrouvés au placard,  et Julius appris que l’une de leurs copines avait fini pute à Marseille, merde…..

Treets  avait trouvé le salut dans le travail,  il bossait comme cuisinier dans un collège du quartier,  il adorait les gamins, et les gamins l’adoraient, ça avait changé sa vie, et son regard sur les autres.

Depuis, quand ils se croisaient dans la rue, ou au bistro, Treets saluait Julius ou ses copains d’une chaleureuse poignée de main,  en se disant que le Blues et le Rock’n roll avaient eu raison du crétinisme et de la haine….

Parmi les copains de Julius qui comme lui aimaient et partageaient la culture Rock’n roll, il y en avait de tous,  du noir au blanc, et de tous les continents.

Evidemment,  rassemblés le soir, à une heure tardive sous un réverbéré,  près d’un porche d’immeuble en train de bavarder ou de rigoler, en vidant des canettes, en fumant des pétards et en écoutant de la musique,  ils pouvaient faire peur au quidam qui passait par là, mais c’était complétement con.

Des habitants du quartier avaient fini par s’habituer à leur présence, et quand ils passaient à leur hauteur, le soir en rentrant chez eux, certains les saluaient  d’un bonsoir amical,.

Pas un seul d’entre eux n’aurait fait chier qui que ce soit, et tous auraient secourue une vielle dame pour l’aider à traverser la rue, ou si on l’agressait.

Simplement ils étaient dans la rue, puisque c’était le seul espace que l’empire de béton leur concédait,  ils avaient pris l’habitude de savoir faire disparaitre à temps les substances illicites  quand des voitures de police, banalisées ou pas, ralentissaient en remontant la rue, avant de procéder à un contrôle, c’est-à-dire a les faire chier pour les faire chier.

La génération de Julius avait grandi avec le sentiment qu’on lui présentait toujours une addition qui n’était pas la sienne, pour le simple fait d’être jeune, une addition  supposée avoir été contracté par la génération précédente, celle de Loulou.

Et ils en avaient marre de payer l’addition, ou de porter un chapeau qui n’était pas le leur, en les menaçant de la crise, et du chômage qui en résultat, ils n’avaient plus aucune confiance dans les croulants qui les gouvernaient, puisqu’aucun d’entre eux ne les écoutait, et que tous n’en avaient rien à foutre d’eux,.

Une génération abandonnée et sacrifiée, du reste ils s’en foutaient et ils n’avaient pas besoin des contrôles pour faire le ménage eux-mêmes.

D’une façon générale Julius et ses copains pouvaient renter dans le lard de quiconque venait chez eux les emmerder, ou les embrouiller, et d’autre part, si l’un d’eux venait a trop déconner, en faisant des embrouilles,  il devenait aussitôt infréquentable,  et était viré de leur groupe.

Ils commentaient le soir en rigolant l’actualité, c’est-à-dire la façon dont l’empire de béton essayait de les emboucaner, en les divisant, ça les faisait bien rigoler, les manœuvres étaient tellement grossières…

Sinon, ils commentaient leur quotidien, et tout ce qui s’était passé dans leur quartier, leur morceau de jungle urbaine, il leur fallait être vigilant avec les embrouilleurs, les chercheurs d’embrouilles, les fourgues et les balances, c’était une lutte perpétuelle, il en débarquait des nouveaux toutes les semaines.

Julius était apprécié de ses copains, pour ses dessins son humour, son expérience, il était l’un des plus âgés, et aussi parce qu’il avait le nez pour détecter l’embrouille.

Julius connaissait tous les hispaniques de son coin de jungle urbaine, ils n’aimaient pas les embrouilles, non plus, et avaient pour la plupart bonne réputation, chacun était fier de sa réputation, et la défendait,  ça avait son importance dans le groupe de copains de Julius.

Les patrons des bistros du quartier les connaissaient,  ils s’étaient d’abord méfiés de ce qu’ils avaient pris pour une bande de voyous multicolore,  mais finalement  ils les avaient adoptés, ils avaient leur bistro, ils étaient bruyants, mais n’emmerdaient jamais les autres consommateurs, et ne faisaient pas d’embrouilles, les tauliers fermaient les yeux sur les substances illicites,  et d’une certaine façon, les copains de Julius étaient dissuasif pour d’autres phénomènes bien plus indésirables.

Ils connaissaient de réputation tous les voyous au palmarès chargé de leur zone, qui les connaissaient eux aussi, mais ils se tenaient à distance, et ne se fréquentaient pas.

Julius se mit en route pour le bistro, il lui faudrait probablement plusieurs expressos pour se réveiller totalement, à quelques mètres de celui-ci, il fit la rencontre de Fabrice qui émergeait, lui aussi.

Il éclatât de rire en apercevant la tronche de Julius, et l’invitât a boire un café, ils avaient sacrément carburé, descendre une bouteille de scotch en deux heures de temps, c’était rare, et surtout ils s’étaient bien marrés, entre deux discutions plus sérieuses.

Fabrice après son café commandât un demi de bière.

Dès son réveil, son esprit n’était qu’un bouillonnement permanent,  et il avait fort à faire, mais il commençait chaque journée en refaisant  les niveaux, il commençait léger, avec quelques demis de bière, ou du rosé, avant d’aller au kiosque s’acheter la presse.

Il se réservait le carburant a fort indice d’octane pour le soir, après avoir invectivé les serveurs pliés de rire, en les traitants de feignasses dégénérées, il gratifiât Julius en lui tapant amicalement sur l’épaule d’un  « sale petit méchant con », et de « résidu gauchise », en lui proposant de passer plus tard chez lui en vider un et bavarder.

Julius après l’avoir gratifié de « piteux rescapé de Stalingrad bourré d’antigel pour char d’assaut » l’assurât qu’il passerait le voir, Fabrice s’éloignât secoué de rire, et feignit de maugréer entre ses dents, Julius était décidément tellement con, et tellement attachant à la fois…

Il déconnait la plupart du temps, et ne prenait rien au premier degré, Julius avait pu s’en rendre compte la vielle, il alternait les moments de décennale et de rigolade avec d’autres, devenant soudainement très sérieux, quand il avait quelque chose d’important à dire.

Dans l’après-midi,  Julius fit une visite a Elias,  lui aussi, il le savait, n’avait vraiment pas une très bonne opinion d’Adolf.

En revanche il en avait une meilleure de l’absent ou du généralissime, celui-ci n’avait pas fait de difficultés au fait que d’autres comme lui aillent se réfugier chez lui pour sauver leur peau, c’était tout de même un détail qui comptait beaucoup.

Julius expliquait cela à Elias par le fait que l’absent ou le généralissime n’étaient pas des obsédés des abat-jours,  des mesures anthropométriques ou d’autres expériences médicales, leur délire se centrait plus exclusivement sur les athées, et sur le rouge, ou bolchévique et plus particulièrement sur les athées pour le généralissime….

Elias aimait bien les Espagnols, aussi il allait en vacances parfois chez eux, l’été, il s’y sentait bien.

Il n’en aurait pas dit autant pour l’Allemagne, avec la Pologne ce n’était pas pour lui des destinations touristiques de prédilection, les Allemands restaient irrécupérables, mais là, Julius lui mit un bémol, ses deux cousins étaient Allemands.

Encore une histoire de chapeau, et ils n’avaient pas à porter un chapeau, ou un casque a boulons qui n’était pas le leur, c’était aussi con que de se mettre au niveau des casques a boulons.

La famille de Julius, c’était aussi ses cousins, et chercher l’embrouille a ses cousins, c’était lui chercher l’embrouille, par loi de transitivité…

Elias pouvait comprendre, lui aussi n’aimait pas qu’on cherche les embrouilles a ses proches, et les cousins de Julius devaient être finalement tout aussi sympa que lui, même si l’Allemagne ne lui évoquait pas de souvenirs sympas, il  avait d’autres trucs plus intéressant a discuter avec Julius.

Celui-ci s’en était très bien sorti avec la décoration de sa vitrine,  Elias voulait des dessins pour décorer l’intérieur de sa bijouterie,  Julius devait bien avoir une idée.

Julius en avait une, de beau portraits de jolies femmes avec des bijoux, les portraits dans le style des photos vintages, en monochrome, et les bijoux en couleur, Elias fût emballé par cette idée.

Julius descendit ensuite le boulevard, et allât s’en jeter un au bistro, pour appeler Fabrice au téléphone.

Dix minutes plus tard, il était devant sa porte, Fabrice l’attendait et lui offrit un verre de rosé, c’était préférable après la charge de la veille, ça le faisait encore marrer.

Ils se mirent à bavarder en rigolant, Fabrice évoquait ses souvenirs de jeunesse.

Lui aussi avait une bande de copains, a seize et dix-sept ans, Fabrice avec d’autres formaient une bande de voyous, ils accumulaient les conneries, il avait même écrit plus tard, un bouquin ou il les racontait.

La délinquance juvénile était un domaine qu’il connaissait par l’expérience, Fabrice était d’avis que l’expérience des choses et des situations était d’une importance primordiale pour bien comprendre les choses.

Il craignait que Julius et ses copains ne donnent dans la grosse connerie à ne pas faire, mais non, Julius et ses copains savaient se tenir.

Fabrice connaissait lui aussi de sacrés pédigrées qui se promenaient dans le quartier, il ne les craignait pas, du reste, il avait des relations sur lesquelles compter si on lui cherchait des embrouilles,  c’était vite réglé, tôt ou tard, mais Julius lui, était particulièrement exposé.

Les cons étaient lâchés partout, et surtout à la tombée du jour, dans la jungle urbaine, et Julius devait attirer leur attention, tout comme ses copains.

Julius  se marrait,  évidemment, on ne pouvait pas les éviter, les rencontres dans la jungle urbaine étaient souvent de mauvaises rencontres, et le problème avec un abruti, ou une bande d’abrutis, c’était qu’aucune négociation n’était possible, on était toujours dans le danger de se faire décalquer la tronche, pour n’importe quel motif, et même sans motif, juste pour le plaisir de cogner, il existait des ultras violents.

Puisque de toutes façons il était inutile de pouvoir croire se sauver par la discussion avec des crétins haineux, mieux valait tenter une chance de pouvoir les exploser, et pour ça, il fallait s’en donner les moyens, pas avec des armes, d’abord c’était interdit, et puis très dangereux.

Compter sur le concours de la police était beaucoup trop aléatoire, comme dans les westerns, la cavalerie arrivait souvent trop tard, quand elle arrivait, on avait le temps d’être mort dix fois avant que le sheriff et sa cavalerie arrivent, et on les voyait arriver, ce qui donnait le temps a un connar de déguerpir.

De plus, on pouvait être secouru par une escouade de crétins qui pouvait donner raison aux agresseurs, dans un cas d’agression on ne pouvait réellement compter que sur soi.

Ce qui n’avait rien à voir avec le fait de militariser les foules en les faisant marcher au pas, dans le but de les faire s’affronter avec un ennemi, la martialité c’était autre chose, qui permettait d’agir de façon autonome.

La martialité n’avait pas d’ennemi, l’agresseur n’avait pas de profil type, la martialité permettait d’assurer sa défense face à n’importe quel mauvais qui cherchait l’embrouille.

La spécificité ou la qualité du mauvais étaient secondaires, il pouvait être jeune ou vieux, avoir telle ou telle opinion ou idéologie, être de n’importe où, de n’importe quelle confession, le fait de vous agresser physiquement faisait de lui un mauvais, dans la martialité agresser quelqu’un physiquement était la dernière chose à faire, et en même temps c’était là que tout commençait.

Dans la rue, les choses étaient  très différentes qu’à la télévision,  les voyous et les mauvais étaient lâches, pervers, cruels, et il fallait partir du principe qu’ils ne respectaient aucun code, ils cognaient, l’expérience de terrain était donc très importante.

Julius cultivait sa forme, pour parer à toute éventualité, il fallait pour ça fournir beaucoup d’efforts, et c’était une perpétuelle recherchée, on avait jamais fini d’apprendre, beaucoup de ses copains faisaient de même, pas tous, ça n’avait pas d’importance en soi.

Tout le monde ne pouvait pas se tourner vers la voie martiale, il était normal d’éprouver de la peur, ou de redouter les coups, ça n’était pas grave, ou blâmable, et l’on n’était jamais sur de sortir vainqueur, mais si l’on essayait de tenter quelque chose, il fallait alors une grande auto discipline, et prendre des coups.

Ce qui forgeait aussi la volonté et le mental, les crapules ne se tournaient pas vers la martialité, c’était trop d’efforts à fournir, et de discipline,  et la martialité impliquait le respect de ses camarades d’entrainement,  une notion trop étrangère aux esprits crétins.

Fabrice l’écoutait, surpris et silencieux,  son verre de rosé à la main, enfoncé sur son siège, il fallait tout de même que Julius fasse gaffe à ne pas se faire embarquer, il était d’avis, mais ce n’était pas une critique, que Julius était cinglé, et dangereux, d’ailleurs il avait l’air cinglé, ça se voyait dans ses yeux.

Julius éclatât de rire, en rassurant Fabrice, il n’était pas dangereux, puisque lui n’agressait personne, mais ses instructeurs lui avaient appris à faire face, et aussi a déguerpir dans la nature à l’approche de la cavalerie,  après avoir agi…

Fabrice  ignorait  qu’on pouvait enseigner ce genre de principes a des jeunes, ou les entrainer de cette façon, dans un local avec pignon sur rue, c’était quand même dangereux, mais il reconnaissait que Julius avait d’une certaine façon raison,, il avait jusque-là imaginé  ce que l’on appelait les arts martiaux comme étant une sorte de récréation sportive.

Julius lui expliquât qu’on était libre de s’imaginer que l’on était un preux chevalier en pratiquant certaines disciplines qui effectivement tenaient plus de l’échange sportif,  mais là, il lui parlait de tout autre chose, ou il était question de se dépasser, et ou la défaite signifiait se retrouver étendu par terre, ou plié en deux, inconscient…

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28 mars 2015

Vingt huitième Bafouille...

Fabrice avait eu de sacrés emmerdes avec ses proches,  et ça l’avait salement abimé, moralement,  et il savait que Julius pouvait le comprendre,  pour avoir été lui aussi promus a un siège éjectable permanent.

Fabrice en réalité n’avait rien d’un bon a rien,  il était avant tout curieux et hypersensible, et il fallait ajouter à cela le fait qu’il était doté d’une intelligence redoutable qui s’exprimait à travers les mathématiques et les lettres.

Il avait passé haut la main son bac avant tout les autres, et avait ensuite étudiées les mathématiques supérieures, ça ne l’avait pas empêché de faire une rocambolesque et épouvantable java de tous les diables.

Il avait fait le tour du monde, avait visité et séjourné dans quantité de pays, et s’était marié, vers les trente ans, il avait deux enfants et avait divorcé peu de temps après son mariage…

Julius lui avait demandé la raison de cette rupture, l’épouse de Fabrice ne supportait pas qu’il fume et qu’il picole, après leur premier enfant, Fabrice mit en garde Julius, les femmes étaient très différentes, avant, et après un enfant.

Julius ne dit rien mais il devinait que madame Fabrice en avait eue marre aussi d’autres frasques moins avouables, mais comme Julius, Fabrice ne croyait pas un seul instant à la fidélité sexuelle, ce n’était tout simplement pas possible.

Ce qui n’empêchait pas d’aimer les gens avec qui l’on couchait, et même longtemps après,  et de toutes façons, Fabrice savait par expérience que dans une existence, on couchait toujours au bout d’un moment avec les mêmes personnes, a différents intervalles.

Le reste n’était qu’aventures, et il conservait des liens affectifs avec certaines  qu’il connaissait depuis longtemps.

C’était une situation que Julius pouvait bien comprendre, il lui était arrivé pour les mêmes raisons de coucher a diverses reprises, avec des filles dont il s’était séparé quelques années plus tôt, les aventures de part et d’autre n’avaient pas entamé le lien affectif.

Fabrice aimait sa femme, ses enfants, un garçon et une fille, plus jeune, mais il était d’avis que leur entourage avait sciemment corrompue leur relation,  jusqu’à détruire son couple, il avait épousée une très jolie femme, qu’il aimait,  plutôt que de s’unir a une autre dynastie, il était incapable de mélanger les affaires de cœur, et les affaires du bidule, avec la construction d’un consortium financier.

C’était contraire à ce que l’on attendait de lui, il maudissait ces gens qui avaient prétendu l’empêcher de jouir de ses plus fondamentales libertés,  en vidant des scotchs.

Il était profondément écœuré par la lâcheté et la perfidie avec laquelle un autre pouvait tenter de le manipuler ou de l’obliger par chantage, à  aller dans la direction qu’il lui avait assignée, le mensonge, l’hypocrisie lui donnait des nausées persistantes.

Cet état nauséeux atteignait un pic lorsqu’il décelait dans le discours la crapulerie malhonnête déguisée en bonne intention,  en geste désintéressé, la prétention de l’angélisme était le fait de ceux qui refusaient lâchement de voir le tyran égoïste qui vivait en eux en permanence…

Julius était d’avis qu’il était un peu ou plus que ça, parano, les accidents de la vie et l’hostilité du milieu ambiant pouvait rendre parano, on l’était déjà à l’état naturel,  pour survivre, et dans certaines circonstances, on le devenait encore plus.

Il répondit affirmativement, bien sûr qu’il l’était,  et il était attentif à nourrir sa parano, tout en étant vigilant à ce qu’elle ne l’aveugle pas toujours, prendre les bonnes décisions pour pouvoir se défendre demandait de ne pas écouter ses émotions,  le reste du temps, il fallait toujours voir les choses et les situations de haut.

C’était primordial pour éviter de se faire avoir par d’autres paranos bien plus dangereux que lui, il disait ça avec une certaine théâtralité en forçant volontairement le trait devant Julius qui s’écroulait de rire car c’était justement le raisonnement d’un parano.

Il s’estimait gravement lésé par son père à propos de son héritage.

Ses parents lui avaient filé une brique lorsqu’il s’était marié,  une brique de quand Julius avait cinq ans, ça faisait un bon paquet de fric, mais Fabrice modérât son enthousiasme…

Ce n’était rien en comparaison de ce qu’il aurait pu légitimement avoir, des miettes éparpillées d’un revers de main sur le coin de la nappe, et Fabrice luttait avec obstination pour avoir sa part de gâteau.

Il avait échoué là, après sa sortie de l’hôpital,  sans un rond, le mari de l’une de ses maitresses lui  prêtait le studio,  il n’avait conservé que quelques affaires et des bouquins dans sa déroute, et il trépignait de rage et d’impatience pour se refaire.

Toujours  aussi sérieusement  car il avait remarqué que ça faisait marrer Julius, et Fabrice aimait bien déconner, il estimât que Julius ne pouvait pas comprendre toute la portée de ces enjeux, n’étant lui-même  qu’un sale petit immigré de merde, loqueteux et très certainement animé du désir de le ruiner, lui et le restant de la France.

Là, ça avait chatouillé Julius,  d’abord parce qu’il s’attaquait  indirectement à sa mère, ou ses grands-parents, ensuite  parce qu’il s’attaquait aussi à son père, et si lui ne pouvait plus se défendre, Julius pouvait le faire à sa place.

Les noms de lieux  dont Julius avait pris connaissance dans sa petite enfance lui revenaient, Marcus son grand-père avait connus l’enfer durant quatre ans, avoir pataugé dans les tranchées  en se prenant des obus sur la gueule, c’était pour lui comme avoir des siècles auparavant participé à la bataille des thermopiles, des générations après on s’en souvenait comme d’un événement fondateur.

Julius n’ignorait pas que d’autres qui se torchaient dans la soie s’étaient trouvées quantités d’excuses pour rester sur le banc de touche, autant de complications pulmonaires, de pieds plats, ou d’autres trucs du genre…

Fabrice l’écoutait  avec un sourire qui découvrait ses dents, l’œil brillant de curiosité.

Pour ce qui était de son père, Julian n’avait jamais voulu se faire naturaliser, il parlait parfaitement le français, et avait fini par connaitre bien mieux que d’autres la culture et l’histoire de France, dont il admirait de nombreux aspects, mais voilà, il n’avait jamais voulu changer de nationalité.

Pourtant ça lui aurait probablement évité des tas d’emmerdes, mais Julian ne voulait pas changer de nationalité, ça lui aurait été facilement possible, mais non, chez Julian, on ne changeait pas de nationalité,  il aurait pu avoir un passeport bleu avec son nom, un passeport de la république, après des démarches, mais il avait toujours souhaité conserver le sien, un passeport vert foncé avec un aigle dessus, c’était comme ça.

Fabrice  relevait tous ces détails avec attention, en souriant, il trouvait que décidément, Julius était vraiment incroyable…

C’était un compliment, et il se mit à lui citer des passages du don quichotte de Cervantès, dans un espagnol parfait,  et sans accent, qu’il avait appris durant sa jeunesse, et même très jeune, à une époque ou Fabrice habitait en Andalousie, dans le sud , dans une propriété de sa famille, pour certaines raisons…

Il faut dire que la famille de Fabrice avait connu de nombreuses péripéties, et pas banales, il était né à paris,  au début de la guerre, et de l’occupation Allemande.

Ses parents étaient vite devenus des habitués de l’hôtel Meurice, ou ils discutaient le bout de gras tout en vidant des verres avec Von  Choltitz, le gouverneur de paris,  ou encore du Majestic, ils côtoyaient tout le gratin  botté de l’époque, et tout allait bien, de réceptions en réceptions  avec Abetz,  Ribbentrop ou d’autres….

Mais à partir de quarante-trois,  ça commençait à sentir le brûlé, la Wehrmacht commençait à se prendre  ses premières raclées,  à Stalingrad, ou dans les sables.

Pour autant, ils demeuraient confiant dans la victoire finale de leurs nouveaux copains,  ce qui fit qu’ils durent boucler leur valoches précipitamment,  et encore, même pas, ils se firent la malle en usant de tous les moyens possibles pour ne pas se faire lyncher ou fusiller,  il était évident pour tout le monde qu’ils avaient de sérieuses tendinites a force de lever le bras.

Le généralissime leur offrit aussitôt l’asile politique, à Madrid, puis la famille s’installât dans sa propriété,  ou elle ne recevait que quelques rares amis, rescapés de cette débâcle,  et un Allemand  qui depuis préférait les discrètes tenues civiles a son uniforme…

Voilà comment Fabrice avait passé les premières années de sa vie,  en cinquante-quatre, le gouvernement Français leur accordât une amnistie,  et ils déboulèrent à nouveau dans l’hexagone, le père de Fabrice lui, avait déjà été réintégré dans l’armée, on l’avait envoyé piloter un Corsair dans le ciel de l’Indochine.

Pour Julius, ce récit était franchement décoiffant,  et Fabrice insistât sur le fait qu’il lui livrait là un témoignage de première main, pas un truc fabriqué dans les coulisses d’Hollywood, c’était du vécu, du brut de brut.

Forcément Fabrice avait  eu droit à quantité de procès d’intention,  ce dont du reste, il se foutait, il pestait après tous les cons qui auraient eu l’intention de lui reprocher quoi que ce soit.

On ne choisissait pas sa famille, et la sienne avait été, depuis plusieurs générations de toutes les entreprises qui avaient pour but de gouverner le peuple à coups de godillots dans le cul, les têtes pensantes de ce genre de mouvance constituaient sa famille politique, et Fabrice se passionnait pour la chose politique.

Il supposait que Julius lui aussi devait avoir de temps en temps, quelques raideurs dans le bras droit, ou sinon des membres de sa famille….

La question ne dérangeait pas Julius, il répondit le plus sincèrement possible,  mais non, son grand-père n’avait pas participé à cette aventure.

Dans sa famille on était plutôt copain avec l’autre bord, la sœur de Jean Moulin était même une amie,  mais il appréciât la sincérité de Fabrice, il était d’avis que ne pas faire la lumière sur cette période sombre de l’histoire, était très con, car finalement, ça foutait la merde.

Le grand-père de Julius avait pleuré quand il avait appris  la nouvelle de la capitulation, les premiers temps, il avait cru que le prestige du maréchal pourrait  en imposer aux Allemands, car le maréchal, ce n’était pas n’importe qui, merde.

Il n’était du reste pas le seul à le penser, le maréchal jouissait d’un prestige certain auprès des vétérans, il avait fait ce qu’aucuns des clowns bardés de décorations dans de beaux uniformes a brandebourgs n’avait fait, il avait pataugé avec eux, en fumant du gris et en bouffant leur rata, et il leur avait donné des permissions.

Mais il s’était vite rendue compte que ça coinçait de partout, et que c’était bel et bien les doryphores qui gouvernaient le pays, la zone libre ne l’était plus, les doryphores étaient partout,  et il vivait dans l’espoir que le grand Charles les expulse.

De plus, il était adjoint du maire de son patelin,  c’était plutôt difficile à cette période-là, vers la fin, une colonne allemande s’était faite zigouiller par un Mosquito britannique, juste à la sortie du patelin.

Des crétins avaient eu l’ignoble idée d’aller détrousser les cadavres évidement sans songer une seule seconde que les Allemands n’étaient pas bien loin, et qu’ils n’étaient pas encore parti.

Le résultat fut qu’il se retrouvât sur une liste d’otages, prévenu a temps, il put se planquer pour éviter de se faire rectifier, c’était chaud.

Fabrice écoutait tout ça avec la plus grande attention,  mais il était tout de même surpris, il y avait un truc de Julius qui lui échappait, il lui reposât encore une fois la même question, en le sondant de son œil unique.

Il était presque certain qu’un membre au moins de la famille de Julius, avait eu des fourmillements dans le bras.

Julius réfléchissait, en faisant tourner les glaçons dans son scotch,  il ne voyait rien du côté de sa mère, ou de son père, mais soudain, ses certitudes semblèrent se ramollir comme du beurre au fond d’une casserole sur le feu….

L’oncle de Julian, qui était professeur de peinture aux beaux-arts,  avait donné dans le gigantisme, les fresques, c’était son truc.

Hors il se trouvait qu’il avait participé à la décoration du plus grand monument à la gloire du généralissime, une monumentale basilique dédié aux combattants de la guerre,  taillé dans le roc, avec une croix de cent cinquante mètres de hauteur, qui se voyait a des kilomètres à la ronde.

Il était évident qu’il avait dut avoir de sacrés fourmillements dans le bras droit, et qu’il avait trempé le pinceau jusqu’à l’épaule dans certaines idéologies….

Avec une réelle et profonde satisfaction,  et son plus beau sourire, Fabrice se levât de sur sa chaise pour venir l’étreindre et l’embrasser,  ce qui évidement fit marrer Julius qui était embarrassé, Fabrice voulait qu’il lui parle du grand oncle, il fallait a Julius  d’abord  évoquer le syndicat vertical, et son fondateur, l’absent.

Ses partisans l’avaient appelle l’absent car il n’avait pas survécu à la tuerie générale, ses adversaires l’avaient fusillé dans sa prison, à Alicante.

Fabrice était d’avis que décidément,  Julius était un sacré phénomène,  et qu’il lui était profondément sympathique, et il l’écoutât raconter ce qu’il savait de tout ce micmac.

De son côté Julius trouvait que Fabrice ressemblait a ce qu’il imaginait être la version punk du docteur Folamour.

L’absent était lui-même le fils d’un dictateur qui avait été mis en place par le roi Alfonse, et qui n’avait pas franchement fait l’unanimité…

Il n’avait aucune complaisance pour les érudits ou la culture, et gouvernait à coups de charges à cheval sur les foules, on lui reprochait de se livre à une vaste entreprise de crétinisation au service du pouvoir monarchique, et des privilégiés.

Il était mort curieusement et subitement à Paris, lors d’une visite officielle, et Julius était d’avis qu’il était mort d’un excès de bonnes choses, ce qui fit marrer Fabrice qui partageait cet avis.

L’absent se retrouvât donc soutien de famille, et  il fit des études de droit, et se lançât en politique, dans le but entre autre, de réhabiliter son père, ce qui n’était pas évident, mais l’absent était assez différent.

C’était un esprit vif et cultivé, qui appréciait les arts et les lettres.

Sa clientèle en tant qu’avocat était composé en partie de gens fauchés, qu’il défendait de son mieux malgré tout, l’absent avait des qualités d’orateur qui faisaient la différence, et sa réputation allait grandissant.

Ses convictions politiques se basaient sur le fait que le marasme que traversait le pays était le fait d’un abandon de la volonté d’accomplir une grande destinée, les solutions devaient venir en puisant son inspiration dans le glorieux passé de la péninsule.

Pour autant, il voulait rompre avec la politique traditionnelle,  et avec la société traditionnelle, de façon musclée…

Il avait rassemblé autour de lui, les premiers temps, des déçus de la politique, des anarchistes,  il y en avait beaucoup à cette époque, quelques communistes déçus du communisme, et des nationalistes.

Dans ses discours il vilipendait le capitalisme, la finance internationale, la spéculation qui ruinait les nations, et qui asservissait les peuples, il vilipendait aussi le communisme, qui n’était selon lui qu’une autre face du capitalisme, et qui consistait à anéantir toute individualité, en faisant des hommes des machines à produire toujours plus.

Avec ce genre de discours, il était évidement difficile de se faire des copains, mais l’absent était patient…

Il avait donc créée sa formation politique, sur la base du syndicalisme, l’absent ne voulait plus de la monarchie, le syndicat devait seul gouverner dans l’intérêt du peuple, avec tout en haut le chef du syndicat, ce qui donnait cette impression de syndicat vertical…

Pour bien souligner cette verticalité des idées, il adoptât avec ses partisans la raideur dans le bras droit, ou le salut fasciste.

Ils prirent pour tenue une chemise d’ouvrier,  de couleur bleue, et la formation avait son emblème, avec des flèches barrées d’un joug, en rouge, sur fond noir,  les couleurs des anarchistes.

L’absent défendait  un nationalisme exacerbé,  et des positions souverainistes,  sa petite troupe marchait au pas, bien disciplinée, mais l’absent insistait sur le fait que son mouvement était différent des autres mouvements nationalistes  présents en Europe, même si il s’en inspirait.

Le généralissime qui ne l’était pas encore, se méfait de l’absent, et de sa clique, il le voyait comme un dandy qui était capable de foutre la merde avec des discours.

De plus, l’absent pensait conquérir le pouvoir par voie démocratique, il s’était ramassé un score très faible aux élections, et pour autant, il avait précisé qu’il continuerait à convaincre le peuple de confier le pouvoir a son syndicat vertical, sans coup d’état, c’était long et compliqué.

Ses adversaires démocrates étaient emmerdés, eux aussi, l’absent entretenait de bons rapports avec ceux dont il considérait qu’ils pouvaient avoir des idées intéressantes, on ne pouvait pas l’accuser de ne pas respecter l’assemblée, en plus, ses partisans se faisaient souvent emmerder, ça devenait compliqué, et l’absent faisait vraiment chier tout le monde.

L’assassinat politique était en vogue, en ce temps-là, l’absent avait failli  se faire flinguer dans sa bagnole, en pleine ville,  mais il s’en était bien sorti, méfiant depuis, il se trimbalait avec un calibre.

Ce fut la raison pour laquelle on l’arrêtât,  il possédait des flingues chez lui, un parlementaire du camp opposé qui le connaissait bien, eu beau intervenir en disant que lui aussi, en possédait puisque la violence et le danger étaient partout.

On le bouclât quand-même en taule.

Entre temps, sa formation  recrutait de nouveaux partisans, l’orage n’allait pas tarder à éclater.

Pour ses partisans, il était évident que si l’armée se soulevait, le pouvoir politique lui reviendrait, mais pour ça, il fallait d’abord le délivrer, ses geôliers le gardaient sous le coude, il pouvait toujours servir à des négociations.

Le généralissime était satisfait qu’ils se le gardent sous le coude, il faisait moins de bruit, et moins d’ombre.

L’orage éclatât, mais il n’y eut pas de négociations, le fait que l’absent soit prisonnier arrangeait les affaires du généralissime, il pouvait toujours promettre a ses partisans qu’il appliquerait son programme, et ses idées, sans que l’absent le contredise, ou qu’il lui barre la route vers le pouvoir absolu.

Il fut finalement fusillé, dépassé par la folie meurtrière qui régnait partout, avec pour dernière volonté que son sang soit le dernier versé dans cette tuerie.

Après la tuerie, le généralissime fit transporter sa dépouille à pied par ses partisans jusqu’au mausolée taillé dans le roc, et son image fut aussitôt largement utilisée par la propagande, l’absent était rassembleur.

Mais il ne restait pratiquement plus rien de son idéologie et ses premiers partisans comprirent qu’ils s’étaient faits roulés dans la farine…

Le grand oncle avait également illustré une histoire de la guerre, l’histoire officielle en tout cas,  il avait sûrement adhéré aux idées du syndicat vertical,  quand a Julian, son père, Julius pouvait deviner qu’il avait été lui-même influencé par ces idées, dans sa jeunesse.

Mais comme beaucoup d’autres de sa génération, il s’était rendu compte de la façon dont ils avaient étés roulés, ne restait que l’horreur du vide sanglant de la tuerie.

Avec le temps, Julian avait compris que l’autre était un type comme lui, qui s’était lui aussi trouvé pris dans la tourmente.

Quant à la génération de Julius, elle était composée des enfants ou petits-enfants de membres du syndicat vertical, ou d’autres formations qui lui étaient opposées, mais ça ne leur posait pas de problème pour condamner unanimement la folie meurtrière, dont finalement, seule la connerie sous son masque le plus hideux, celui de la haine meurtrière, était sortie victorieuse.

Un des principes fondamentaux du syndicat vertical avait néanmoins perduré, la volonté de ne pas se faire dissoudre  dans des aventures qui fragilisaient la souveraineté nationale, les copains de Julius, quelles que soient leur opinions politiques, étaient très méfiant vis-à-vis du conglomérat d’états  Européens…

Fabrice demeurait silencieux, puis Julius à son tour lui posât la question de savoir pourquoi sa famille avait adhéré à  l’idéologie du Futier, qui était encore différente du syndicat vertical, il lui répondit dans un énorme éclat de rire.

C’était uniquement dans le but de protéger leur fortune, leur rang, leur train de vie, leur flouze, la guerre était une pure saloperie, ils avaient aussitôt adopté la façon brutale d’agir pour se protéger, et pour s’en protéger, mais il ajoutât qu’évidement, avec le temps, ils avaient pris l’habitude de se rendre à la messe, tous les dimanches, pour avoir le cul bien propre…

Fabrice avait des recommandations très importante à lui faire.

Il fallait qu’il sache que très peu de gens de par le monde, adhéraient vraiment aux idées qu’ils prétendaient défendre, et qu’il valait donc mieux qu’il parte du principe qu’absolument personne n’y adhérait vraiment.

Toute sa vie Julius serrait confronté à des gens qui essayeraient de  le séduire, de le convaincre, pour l’embarquer dans des aventures qui ne serviraient réellement que leurs intérêts,  ils useraient pour ça de  moyens pour agir sur tous les ressorts les plus ignobles et les plus infâmes de l’âme humaine.

Julius devait se méfier  des combats politiques,  car ils ne visaient qu’à servir d’autres ambitions et d’autres idéaux que les siens,  la politique restait l’affaire de quelques-uns,  et même les démocraties n’obéissaient réellement qu’à la volonté de quelques-uns.

Pour le moment, il vivait dans l’illusion qu’il jouissait de quelques libertés, mais ceux qui gouvernaient  ne rêvaient que de le contraindre de manière brutale,  car de formidables enjeux se jouaient, Julius comme des millions d’autres n’était qu’une punaise à leurs yeux, il ne représentait rien, il n’avait ni fortune, ni pouvoir.

Il ne faisait pas partie d’une élite pour laquelle anéantir une punaise, ou des millions de punaises en les écrabouillant,  n’était qu’une simple formalité.

C’était injuste, cruel, violent, autant qu’il le voulait, mais il n’y changerait rien, pas plus que lui, Fabrice, n’y changerait quoi que ce soit, l’intelligence ne gagnait jamais, face à la connerie et aux plus bas instincts de pouvoir et de domination sur l’autre.

Il devait ne laisser paraître aucune faiblesse, aucune faille dans sa personne que d’autres pouvaient utiliser pour le contraindre à se taire, pour pouvoir être sincère, il fallait être irréprochable.

Il n’aurait rien à craindre de gens sincères, ni eux de lui, et ça même si ils n’avaient pas les mêmes idées,  la sincérité dépendait du respect de soi, et de l’autre, mais il n’imaginait pas à quel point la malhonnêteté intellectuelle corrompait les esprits, et bien souvent les plus doués.

Lui cherchait à se garder de cette malhonnêteté,  ses convictions pouvaient ne pas plaire à Julius,  mais  il en avait beaucoup à lui apprendre, si Julius avait l’honnêteté de l’écouter, sans le juger.

Ils étaient venus à bout de la bouteille de Whisky, à leur grand étonnement….

28 mars 2015

Vingt septième Bafouille...

L’évocation de ces souvenirs de l’enfance, et de l’entrée dans l’adolescence  le rendait douloureusement  nostalgique, et le mettait invariablement mal à l’aise,  c’était tout à la fois une somme de souvenirs auxquels il restait attaché,  les derniers qu’il avait de son père, et aussi l’évocation de ce qu’il considérait comme ayant été la période la plus sombre de toute sa vie.

Ce qui l’amusait encore des années après, c’était que finalement, il avait commencé très tôt sa carrière de barbouilleur en exécutant des sujets religieux.

Il repensait a ses années de jeunesse tout en écoutant la radio, assis à sa table à dessins, les bulletins d’information  qui lui parvenaient n’avaient rien de rassurant, malgré les efforts des journalistes pour enrober  de miel les pires conneries du monde.

L’incertitude s’était installée petit à petit dans les esprits,  le monde tournait a une vitesse de plus en plus vertigineuse qui entrainait les acteurs de la grande comédie.

Le crayon levé au-dessus de sa feuille de papier, il s’interrogeait sur  les mouvements en train de s’opérer,  autour de lui et dans le monde, on lui parlait d’Europe en construction, et de folie meunière dans les Balkans.

Julius avait été surpris de la façon dont on avait construite et pensée l’union des pays européens, ses craintes qu’elle ne soit en définitive, qu’une coalition d’organismes financiers semblait se confirmer, quand il s’était posé la question de la réalité d’une telle alliance, le sujet de la défense armée l’avait préoccupé.

Il était évident pour lui que les européens n’avaient aucun intérêt a se foutre sur la gueule entre eux,  l’histoire l’avait assez prouvé, mais revendiquer le fait d’être unis, libres et indépendants  impliquait qu’ils puissent dire merde à n’importe laquelle des autres grandes puissances, c’était peut-être peu poétique, mais les grandes puissances imposaient leurs vues par la menace du recours à la force brute.

Donc, dans la logique de Julius, il aurait été indispensable de bien clarifier les choses au niveau des états-majors, et de réduire une coalition armée aux seuls états capables de faire front commun sans défections de dernière minute, c’était compliqué, et sélectif, mais c’était la seule et unique façon qu’il voyait de pouvoir être vraiment indépendant, et de dire merde a tout le monde.

Mais au lieu de cela, les infos l’avertissait que l’on réfléchissait à une possible intégration des forces militaires de l’union,  par ‘l’Otan,  Julius y voyait plutôt une désintégration,  et Julius connaissait à l’avance la réponse à ces interrogations…

C’était souvent comme ça, quand on lançait un débat, au début, on laissait s’exprimer ceux qui voyaient des inconvénients a ce type de décision,  puis on prenait la décision, ça permettait de dire que la décision restait démocratique.

L’armée avait été jusque-là en principe au service du pays, même si Julius savait qu’elle pouvait aussi servir d’autres intérêts, mais là, ça devenait de la dissolution dans la dissolution…

La soif de gigantisme de l’empire de béton ne semblait n’avoir plus aucun frein.

Le résultat en était que toute action et décision s’enlisait dans la dissolution, et restait dépendante des décisions d’autres puissances,  on en arrivait à parler d’union militaire alors que deux rues plus loin, dans le Balkans, la guerre faisait rage.

Julius savait qu’il était très nocif d’intervenir dans une tuerie en interne,  mais l’incapacité à réagir et résoudre le problème renvoyait des états qui se voulaient êtres une superpuissance, l’image claire et nette d’une merde.

Le conflit s’enlisait,  et dans une région qui rappelait de mauvais souvenirs quant aux conflits entre européens, ça commençait mal.

La dissolution et l’ouverture des frontières donnaient à Julius le sentiment de se trouver dans une forteresse, c’était l’expression employée, dont la défense était percée de partout.

Cela n’avait peut-être pas de conséquences directes sur sa misérable  vie du moment, mais  ça risquait d’en avoir dans le futur…

Julius ne pouvait pas rester confiné en marge de celles et ceux qui menaient une existence que l’on aurait pu qualifier de normale, si i voulait  se faire sa place, il était nécessaire d’aller a la rencontre d’autres gens, de faire de nouvelles connaissances.

Il ne se souvenait plus très bien qui, de Elias ou de Fabrice, il avait fait la connaissance en premier lieu.

Elias  était bijoutier, âgé d’une trentaine d’années, il tenait une petite bijouterie joaillerie sur le boulevard ou habitait Julius, un peu plus loin et sur le même trottoir.

Il était plutôt costaud,  le teint mat avec des cheveux noirs qui ondulaient, et un regard noir animé d’une certaine curiosité,  il avait remarqué que Julius dessinait au bistro,  et ils avaient engagés la conversation.

Elias était séfarade, sa grand-mère était née à Grenade, il parlait un peu d’espagnol,  ils eurent une longue conversation et il appréciait les dessins que Julius trimbalait dans son carton.

Fabrice n’était pas très grand, plus petit que Julius, il venait d’avoir cinquante ans, il avait des cheveux bruns et épais qui grisonnaient aux tempes, et portait des lunettes, il était vêtu de façon assez classique, mais avec un certain négligé,  que soulignait un rasage approximatif, mais qu’il portait bien, avec barbe, ça n’allait pas, et sans barbe, ça n’allait pas non plus.

Il s’exprimait d’une voix forte et bien assurée, malgré le fait qu’il était beurré comme une tartine la plupart du temps,  et même pratiquement tout le temps, mais ça ne se remarquait pas à première vue.

Lui aussi avait un soir remarqué Julius, accoudé au bar en train de dessiner, après avoir invectivés les serveurs et le gérant, en les appelants camarades syndiqués, Julius pensait que ceux-ci allaient lui renter dedans, mais il semblaient bien le connaitre, Fabrice était donc un habitué des lieux.

Le gérant l’appelait monsieur le directeur, mais Fabrice l’engueulât comme du poisson pourri en exigeant qu’il l’appelle par son nom,  ce qu’il fit.

Julius l’intriguait,  il lui demandât si il avait un vrais métier, c’était la question qui pouvait le plus faire bondir Julius, Fabrice le priât de bien vouloir l’en excuser, en riant, et lui offrit un verre, ce qui étonnât Julius, car il pouvait autant hurler des tas de jurons à la minute, ou envoyer chier tout le monde, comme il pouvait s’exprimer de la façon la plus courtoise et la plus élégante qui soit.

Elias proposât a Julius de lui rendre visite à la bijouterie, il avait l’intention de lui confier la décoration de sa vitrine,  et il demandât a Julius si il lui serait possible de peindre sur du verre, Julius savait que c’était possible.

Peindre sur une grande surface le sortirait un moment de l’étouffement des petits formats, et Julius aimait bien la nouveauté, il s’agissait de représenter des bijoux, dans un camaïeu de couleur, ça lui plaisait.

Il étudiât dès le lendemain la topographie des lieux,  l’étendue de la surface à peindre, et traversât le boulevard pour avoir une idée de l’échelle à laquelle peindre les bijoux, pour qu’ils puissent être bien visibles de loin.

Il remit le jour suivant une série de croquis a Elias, qui remarquât au passage que Julius était capable d’observer et de reproduire très rapidement ce qu’il voyait.

Ils discutèrent d’un prix, Julius avait mis la barre un peu haute, il s’attendait à ce qu’Elias négocie,  mais ils trouvèrent rapidement un accord,  Elias ne souhaitait pas que l’argent soit un obstacle, Julius et ses dessins pouvait rapporter de l’argent.

Ils eurent quelques discutions à ce sujet, Elias n’aimait pas aborder l’argent comme quelque chose qui puisse poser des problèmes, l’argent devait au contraire servir à les résoudre, et pour ça, il fallait lui donner sa véritable importance, celle de la merde.

Il n’y avait aucun  état d’âme à avoir avec le fric, puisque de toute façon, le prix des choses ne correspondait jamais à leur véritable valeur, de ce fait, tout prix était discutable, et l’on pouvait à loisir défendre sa position en argumentant dans une négociation, le tout était de parvenir à une négociation, un accord qui ne soit pas à son désavantage,.

Il était d’avis que Julius avait un avantage en négociation, il produisait sa propre richesse, son propre produit.

C’était vrai en principe, mais Julius avait besoin de soutiens pour le diffuser, faute de quoi, il en était réduit au silence,  et à partir de là, sa situation était moins enviable,  il s’exposait à être largement perdant si il n’était pas capable de défendre la valeur de ce qu’il faisait.

Julius vint donc tous les jours décorer la vitrine d’Elias, il se pointait  le matin et s’installait juché sur un escabeau en aluminium, avec son matos, et commençait à peindre, ou a fignoler des détails.

Il avait de cette façon une vue plongeante sur les bijoux exposés en vitrine, et il étudiait chaque monture, chaque gemme taillée, ou la façon dont il capturait ou reflétait la lumière, sur ces facettes taillées.

En apparence, il ne s’agissait que d’objets de luxe et réalisés dans les matériaux les plus rares, mais le choix d’unir tel ou tel métal avec telle ou telle pierre répondait a la volonté d’exprimer une certaine harmonie,  la taille de la pierre elle aussi.

Ces harmonies, celle du métal qui ne laissait pas passer la lumière, et celle de la pierre qui la capturait ou la renvoyait de différentes façons voulaient être le reflet d’une autre harmonie, à une autre échelle. 

Il fit part de ses réflexions a Elias,  qui lui fit alors un récit animé de la façon dont le lapidaire cherchait avec beaucoup de patience et de minutie à capturer et restituer le plus de lumière possible, pour effectivement exprimer une harmonie à travers le jeux de lumière, chaque pierre avait ensuite, sa qualité et les différentes qualités et sens qui s’y rattachaient.

Le choix du métal lui aussi avait une signification, chaque métal avait des vertus différentes, qui s’allaient à celles de la pierre.

On ne pouvait pas évoquer ces questions, sans évoquer la question du dogme, Elias était pratiquant de ce que Julius  voyait comme étant la quintessence du dogme, sa branche la plus ancienne,  celle de l’ancien testament.

Mais la quiescence avait ses à-côtés, qui étaient considérés par le dogme comme autant d’hérésies,  la Gnose, ou la kabbale.

La science des pierres et des métaux était largement inspirée par ses courants, et Elias expliquât beaucoup de choses à ce sujet à Julius, qui se passionnait pour ces sujets, Elias était d’avis en rigolant que Julius n’était pas franchement catholique, mais c’était plutôt rassurant.

Elias se méfait du dogme, qu’il accusait d’avoir plagié en moins bien, sa religion a lui, après tout, c’était sa religion, et Elias n’avait rien demandé à personne, et le pire, c’était que le dogme l’accusait lui et les autres juifs, d’avoir incité les Romains a crucifier Jésus.

Elisa s’en foutait pas mal de jésus, ou de tous les autres autour, il n’avait du reste rien de particulier contre lui,  mais merde, tant d’histoires alors qu’à cette époque les Romains tuaient plein d’autres gens, et en plus, le comble, c’était que jésus était juif.

Il en déduisait que les théologiens du dogme devaient avoir un sérieux problème…

Fabrice lorsqu’il avait fait la rencontre de Julius, lui proposât de venir chez lui boire un verre, en se présentant comme un intellectuel, Julius se méfiait des intellectuels qui ne connaissaient que très peu de choses par l’expérience,  mais Fabrice l’assurât qu’il comprenait bien et n’en faisait pas partie,  et il achetât au barman une bouteille de whisky et une de coca-cola, en demandant au barman des glaçons dans un sac en plastique.

Il extirpât de sa poche une liasse de biftons et réglât les bouteilles, puis entrainât Julius dehors, en s’allumant une clope, une gitane sans filtre, il ne fumait que celles-là.

Fabrice habitait non loin de là, dans un bel immeuble situé au-dessus d’une station-service,  et à quelques pas de la bijouterie d’Elias.

Après avoir traversé un vaste hall il invitât Julius à prendre place dans l’ascenseur,  tout en maugréant quelques invectives  pittoresques a l’adresse du personnel du bistro.

Il avait l’air fatigué, il revenait d’un diner et il avouât a Julius qu’il y avait bien fait le plein de carburant, il avait pourtant l’air très calme, et une bonne assurance de soi, il fit entre Julius dans son studio, au dernier étage.

C’était un modeste studio, avec une petite cuisine et une minuscule salle de bain, des étagères avec des bouquins,  deux tables deux chaises de bureau et un canapé, il été pourvu d’une grande terrasse,  de laquelle on avait une vue splendide sur l’ensemble du quartier, et bien au-delà, jusqu’au mont Valérien, c’était ce qu’il préférait de ce studio,  la vue depuis sa terrasse, de nuit comme de jour.

Sur les murs étaient accrochées quelques photos, une grande affiche en couleur de la féria de Dax,  et un grand dessin de Trémois, tout y était bien rangé, même si sur les deux tables s’étalaient des paperasses,  des courriers et des tasses à café avec la cuillère prise dans le sucre, il offrit l’une des chaises a Julius et l’invitât à s’assoir et se foutre à l’aise.

Il posât un verre devant Julius et ouvrit les bouteilles, l’invitant à se servir tant qu’il le désirait,  Puis lui-même s’assit en face de lui,  en soupirant d’aise, et s’en versât un sévère avec des glaçons, en rigolant,  la lueur faible et tamisée d’une lampe de bureau  éclairait par intermittence son visage, quand il se penchait pour parler, ou prendre son verre.

Il carburait au mélange de scotch et de coca, sur de la glace, Julius lui se méfait au plus haut point de ce mélange, qui lui collait la nausée et le rendait malade, avec des bulles sur la langue, il le sifflait sec, et sur des glaçons.

Fabrice se marrait rien qu’a l’idée que les crétins du bistro, en les voyant filer tous les deux armés de whisky, avaient dû en déduire qu’ils étaient pédés, la crétinerie du monde environnant ne cesserait jamais de l’époustoufler, tout comme la médisance qu’elle engendrait.

Du reste, il s’en foutait, ce qui ne faisait que souligner le crétinisme du ragot, il posât la question a Julius de savoir si ces choses lui aveint aussi effleurés l’esprit, évidement, oui, Julius connaissait la capacité  des gens a raconter n’importe quelle connerie à propos de tout et de rien, il suffisait que l’on rencontre un nouveau copain avec lequel boire des coups et se marrer ou discuter, pour qu’ils en tirent des conclusions en dessous du niveau de la ligne de flottaison,  et du reste, Julius s’en foutait aussi, que l’on dise ce qu’on voulait sur lui, ou que Fabrice soit homosexuel ou amateur de poulpe,  il s’en foutait aussi,  ça lui était égal du moment que lui savait ce qu’il était.

Le bidule avait causé de sérieux tracas a Fabrice, il disait cela, en secouant son verre, dans lequel les glaçons s’entrechoquaient, il s’en jetât trois ou quatre, en insistant pour que Julius ne se sente pas gêné d’en faire autant,  la bouteille était faite pour être bue.

Toute sa vie durant son bidule l’avait tracassé, on lui en voulait par jalousie, il avait malgré sa petite taille  un gros calibre, et il s’en servait.

Il ne parvenait a trouver son équilibre qu’en  ayant plusieurs maîtresses, et en étant toujours à l’affut de nouvelles conquêtes, certaines étaient mariées,  ou vivaient en couple, forcément, ça créait des complications…

Julius pouvait comprendre ce type de situation,  il avait eu affaire lui-même a des jaloux, il posât la question a Fabrice de savoir si il était obsédé.

Oui, il répondit sans hésiter, beaucoup de mecs refusaient de l’admettre, par orgueil mal placé,  c’était aussi l’avis de Julius, qui se considérait dans le même cas que lui, il était impossible  d’avoir de l’imagination  sans que ça se traduise au niveau du bidule.

Fabrice était d’avis que justement c’était les moins imaginatifs,  les bourrins, ceux qui baisaient comme des manches,  qui lui en voulaient le plus.

Cette situation avait empiré depuis qu’il avait une sale gueule, il avait tout un coté de la figure ravagé, avec des cicatrices et la peau plus rouge et abimé, et l’un de ses deux yeux n’y voyait plus.

Il avait cependant des traits fins et réguliers,  et un regard à la fois doux, et très vif, son œil unique perçait le regard de Julius entre deux rasades de scotch.

Tout était arrivé à la suite d’un accident, après qu’il se soit fait encorner par un taureau, à Dax, ça ne lui était jamais arrivé,  d’ordinaire, il se demérdait  impeccablement avec son taureau, mais ce jour-là, il s’était fait exploser la tronche et briser quelques cotes, pourtant, tout allait bien.

Mais quelques temps plus tard,  en faisant trempette dans l‘océan,  il contractât une saloperie de putain de virus qui commençât a lui ronger l’orbite oculaire, ça faisait de plus en plus mal…

Il avait fini à l’hôpital,  avec une grave infection, on lui avait d’abord prélevé de l’os de la hanche, pour ensuite cureter l’orbite, et enlever l’os qui pourrissait, pour reconstruire celle-ci avec l’os de sa hanche, mais au cours de l’opération,  son œil qui zonait hors de son orbite, avait dut être rincé par une infirmière de bloc, sauf qu’elle s’était trompé de produit.

Son œil fut détruit, le nerf optique tué par ce liquide, il avait ensuite passée une longue convalescence,  dont il était ressorti  épuisé physiquement et moralement.

Julius était émus par cette histoire, il aurait pu porter plainte contre l’infirmière, ou l’hôpital, mais Fabrice objectât, désabusé, qu’e ça n’aurait servis a rien du tout,  on ne pouvait pas gagner en justice, face à la corporation des médecins, c’était perdu d’avance.

Julius n’avait qu’une très petite idée de ce qu’était la malhonnêteté,  le vice du mensonge, l’irresponsabilité,  du reste, n’était-il pas finalement lui-même,  qu’n sale petit gauchise de merde, a la con…

Ce n’était pas du goût de Julius, qui comprenait très bien ce qu’il entendait par là, son frère Loulou en était un parfait exemple, après avoir fait la révolution dans son imagination, et dans un bel appartement bien chauffé, il était devenu au fil du temps, un amoureux transit de son compte bancaire, Julius lui, connaissait la faim.

Il trouvait légitime, dans cette situation, de se révolter contre un monde qui laissait d’autres comme lui crever de faim, sur une bouche de métro, dans la rue, et le pire était que c’était souvent le fait d’autres révolutionnaires de salon, reconvertis en gestionnaires de comptes, ça tenait de l’ignominie,  Ceux qui n’avaient jamais fait les annonces des journaux du lundi, avec une demie baguette dans le creux e l’estomac ne pouvaient pas comprendre.

Fabrice l’écoutait avec grande attention, son œil brillait de curiosité, car il trouvait que Julius ne présentait pas trop mal, qu’il s’exprimait à peu près correctement, de plus, Julius avait un joli blaze, ça ne collait pas avec sa situation, ou alors plutôt, quelque chose avait déconné dans sa vie, a un moment ou a un autre…

Ils se firent passer la bouteille de scotch tout en discutant de l’empire de béton, ou du grand cinéma de la comédie quotidienne, à sa sortie de l’hôpital, Fabrice s’était retrouvé sans un rond.

Il ne s’était aperçut du fait qu’il n’avait pas de sécu,  ou de tout ce genre de trucs, que le jour où il avait rejoint l’hôpital.

Toutes les interventions et le reste avaient étés à sa charge, et ça casquait lourd, il avait aussi, à cette occasion, fait le tour de ceux qu’il avait considérés jusque-là, comme des amis.

Il n’avait pu compter que sur de très rares soutiens, dont l’une de ses maitresses, et pourtant Fabrice était le fils de l’une des familles les plus richissimes.

La fortune de ses parents se comptait en millions, mais Fabrice vivait en conflit permanent avec son père, comme avec la plupart des autres membres de sa famille, alors ils l’avaient éjecté, il foutait trop la merde.

Participer à un conseil d’administration l’ennuyait prodigieusement, et il n’avait d’autre but que de profiter de sa fortune en nourrissant son intellect,  et en se divertissant suivant ses envies, et bien sûr en se préoccupant  de son bidule avant tout.

Au sein de cette dynastie faisait rage une permanente guerre de succession,  ou l’on dépeçait les héritages,  et Fabrice avait l’habitude d’ouvrir son clapet, il était extra lucide, et voyait les petits arrangements, les combines et les manœuvres de séduction dans le seul but d’avoir une plus grande part du gâteau, et il le faisait savoir avec un humour décapant, alors ils avaient décidé de le mettre à l’écart.

Il les maudissait entre deux gorgées de Whisky, tout en tirant sur une gitane, ils avaient décrété qu’il n’était finalement qu’un bon a rien, lui était plutôt d’avis qu’il avait simplement refusé de n’être qu’un vulgaire et répugnant rat d’égout, être doué d’intelligence et de sensibilité et ramper de la façon la plus soumise qui soit, était tout simplement incompatible.

27 mars 2015

Vingt sixième Bafouille...

Julius ne lui connaissait pas de style particulier, il aimait s’inspirer de peintres ou de périodes qui lui plaisaient,  et aimait peindre pour le plaisir de peindre…

Pourtant Julius sentait qu’il aurait été capable d’imaginer ou de créer quelque chose de nouveau et de différent,  mais il avait l’impression que quelque chose le retenait, ou l’en empêchait,  quelque chose d’impalpable et d’invisible.

Julian était un pessimiste, il était d’avis que l’art avec un A majuscule avait vécu, et il mettait en garde Julius contre les dérives contemporaines,  dont la plus absurde était l’abstraction.

il était révolté contre le fait que l’on puisse faire des ronds de bouche devant une toile badigeonnée de vert, ou de marron, ou de rien du tout, pour la vendre des fortunes en millions,  et faire de son créateur un dieu vivant.

Ou que l’on s’extasie devant un assemblage de boites de conserves suspendues à un fil,  le mobilier contemporain  le laissait tout aussi indifférent,  si il voyait son côté pratique,  il critiquait le côté esthétique,  et l’abus de plastique ou d’autres matériaux merdiques.

Mais sa méfiance de la modernité atteignait un pic dès qu’il s’agissait d’architecture, un domaine sur lequel il était très sensible, le béton armé lui donnait des nausées.

Se trouver bien involontairement embarqué dans une aventure médicale n’était pas non plus pour le rassurer, il considérait les médecins comme une sorte de secte, ou de tribu, celle des blouses blanches, qui était toute puissante du fait qu’on ne pouvait pas éviter de tomber malade, un jour ou l’autre,…

On s’en trouvait alors réduit à n’être plus rien d’autre qu’un amas de molécules en cours d’observation, cette déshumanisation l’angoissait.

Il était convaincu du fait que l’on ne résumait pas l’humain a un amas de molécules,  il y avait aussi une spiritualité, qui était le fruit d’une âme, Julian avait une âme, et Julius en avait une, aussi,  il était temps qu’il se préoccupe des questions que ça soulevait.

L’intelligence n’avait rien à voir avec les questions spirituelles, on pouvait être supérieurement intelligent,  et avoir une spiritualité réduite à zéro, ou l’inverse.

C’était donc à Julius de savoir si il était sensible à cet aspect de l’humain,  et il se trouvait que Julius y était t sensible, il posait régulièrement beaucoup de question sur les croyances des anciens, ou leurs rites.

La chose la plus évidente était que Julius était issu d’une famille qui avait adopté le dogme, depuis de nombreuses générations, en conséquences, Léonore proposât qu’on l’envoie étudier le catéchisme.

Julian approuvât mais en demie teinte cette proposition, ça pourrait effectivement servir de bonne base de réflexion a Julius,  mais il se méfiait du crétinisme des dogmatiques,  et de leur manie à présenter le dogme sans nuances, et aussi d’entretenir un certain crétinisme auprès de leur fidèles, pour ne pas s’emmerder à avoir à répondre à des questions  trop compliquées pour leurs esprits crétins et rigides.

Quoi qu’il en soit, Julius pourrait se familiariser avec l’essentiel de ce qu’il devait savoir sur le dogme, et aussi sur les hérésies,  ce dernier domaine était des plus passionnants, de l’avis de Julius.

Son père et bien que partageant cet avis, lui conseillât toutefois de se garder d’en parler avec les prêtres du dogme, ils risquaient de ne pas apprécier, et il était fort possible qu’ils lui débitent des âneries pour étaler leur savoir.

Julian semblait très calé sur la question,  et il mit en garde Julius sur la volonté des prêtres à lui ramollir son cerveau, il devait aller à l’essentiel.

C’est ainsi que Julius prit l’habitude de se rendre au catéchisme, dans une vielle salle de cinéma qui appartenait à des sœurs.

S’y trouvaient d’autres enfants comme lui, des dames de la paroisse, et la nièce du père Jean, qui apprenaient aux enfants les rudiments du dogme, à travers un résumé du nouveau testament.

Le père Jean était assez robuste, avec un visage massif et carré, les cheveux taillés en brosse grisonnante,  et avec de grands yeux ronds, derrière d’épaisses lunettes en écaille.

Il avait aussi de la couperose sur les joues et le nez, et son visage s’animait d’un sourire quand il avait achevé une phrase…

Il était invariablement vêtu d’une soutane  noire un peu usée, hivers comme été, et de grosses chaussures de cuir noir.

Julius se plongeât donc dans la vie de jésus, dans un temps très ancien, et quelque part du côté de l’Arabie, avec des palmiers et des chameaux,  et tout plein de loqueteux et de mal lotis.

Jésus lui apparut assez vite comme un personnage étrange et par bien des aspects fort sympathique,  il n’affrontait jamais ses détracteurs de manière violente, et privilégiait en toute situation la négociation, un domaine dans lequel il excellait, il pouvait aussi soigner un tas de gens, comme par magie, ou faire encore d’autres choses bien plus surprenantes avec l’aide de son père, le grand magicien du cosmos…

Il avait aussi de nombreuses copines,  et condamnait la guerre des sexes, il donnait a Julius l’impression d’être une sorte de Hippie androgyne, qui n’était animé que de l’ambition de faire le plus de bien autour de lui.

Il avait des admirateurs auxquels il donnait de précieux conseils pour dire moins de conneries, Julius faisait part de ses observations au père Jean, qui l’écoutait en souriant, et qui lui rappelait qu’il fallait bien comprendre que jésus était  le fils de dieu, ce qui expliquait qu’il puisse faire autant de choses, et aussi bien.

Julius parvint assez rapidement à connaitre tout le résumé, et ses divers épisodes, jusqu’à la mise au tombeau, et la résurrection, et aussi les épisodes annexes, avec des saints, des saintes  ou des apôtres,  et aussi des épisodes de la vie des prophètes.

Restait dieu, et les rapports qu’il avait avec les hommes, et son fils,  évidemment, si jésus était son fils, il était facile de se le représenter en mec barbu dans les cieux, mais Julius avait du mal à se faire à cette représentation…

Il lui semblait qu’il était tout de même bien plus que ça, et d’autre part, il était tout seul sur son nuage, ou était donc passée madame dieu….

Le père jean l’écoutait lui exposer le fruit de ses réflexions, il appréciait beaucoup la curiosité d’esprit de Julius, et sa capacité à creuser le sujet, il confiât a Julius que bien sûr, l’image de dieu barbu sur un nuage ne servait qu’à rendre les choses facilement intelligibles pour les gens simples.

Effectivement, dieu était bien plus qu’une simple image, mais il avait une réponse pour la mère, et ne profitât pour rappeler a Julius que dieu n’avait pas besoin  d’une femme pour créer, ou pour se créer lui-même, puisqu’il faisait tout, et était à l’origine de tout…

Dieu avait envoyé un rayon magique sur une inconnue, qui n’avait jamais fait la grosse bêtise avec un autre, et qui s’en était trouvée enceinte de son fils à lui, Jésus, et le mari de la dame, car elle était mariée, s’en était aussitôt accommodé.

C’était quand même un peu tiré par les cheveux, même avec toute la magie que l’on pouvait imaginer, et d’autre part, à la suite de son accouchement, la sainte vierge était restée toujours aussi impeccable,  uniquement dévouée à son fils qui pendant ce temps, se faisait des amitiés avec des filles de mauvaise vie….

Malgré toute sa bonne volonté, Julius voyait dans ces épisodes des failles dans la théorie du dogme, mais le père Jean insistait sur le fait que la toute-puissance divine rendait toute sorte de choses incroyables, possibles,  ce qui constituait une série de mystères  qu’il était impossible à un esprit humain, de percer a jour, même celui de Julius.

Il était passionné par la nature, et les arts, il entrainait ses jeunes âmes dans de longues promenades en campagne ou il leur expliquait toutes les subtilités des plantes, des arbres, ou des espèces animales.

Partout sous le ciel  et dans l’immense  nature il voyait le reflet de dieu.

Mais pouvoir approcher de près le père Julien, et profiter avec d’autres de ses enseignements  exigeait une certaine discipline au quotidien,  dont le but était de ne pas sombrer dans le piège du mal.

Heureusement, Dieu veillait sur celles et ceux qui avaient choisi de se tourner vers lui, mais néanmoins, certaines actions pouvaient facilement laisser dans l’esprit de ceux qui les commettaient des ouvertures a son pire ennemi, le diable.

Ce qui amenait fatalement a la damnation, et aux enfers, et pour toujours, c’est-à-dire une éternité, fort heureusement, un prophète inspiré par dieu en direct, avait rédigé un code simple de conduites à respecter.

Les principes fondamentaux  en étaient facilement applicables, mais il y avait aussi d’autres règles à respecter, Julius appréciait plus que le reste le profond attachement au pacifisme que prônait le père Jean,  c’était la règle de base, la non-violence devait être un modèle de conduite,.

La tolérance aussi, il fallait toujours régler les conflits ou les différents par le dialogue plutôt que par l’usage de la force, mais ce second point soulevait déjà un problème.

D’un côté, le fait de croire toutes sortes de choses possibles sans pouvoir les expliquer ne laissait aucune place au doute, et d’un autre coté il était évident que tout le monde ne pouvait pas forcément croire a des histoires de rayons venus de l’univers  qui provoquaient des choses très étranges, c’était donc bizarre d’être tolérant tout en étant encouragé à être intolérant.

La violence aussi, posait problème.

Julius  sentait que la violence faisait partie de l’humain,  et les moines Chinois qu’il avait vu à la télévision  eux aussi observaient la nature et en tirait des leçons d’une grande sagesse, ils étaient aussi capable de faire des choses assez incroyables pour guérir des malades,  ou aider les gens, mais ils savaient aussi êtres redoutables à mains nues, ou armés d’un bâton, face à des énergumènes violents, ça ne le les empêchait pas d’êtres pacifistes.

Mais Julius pouvait s’accommoder de ces règles et cultiver sa non-violence, en revanche, il y avait un autre important dossier sur lequel il se sentait incapable d’assurer un caramel, c’était le bidule.

Le dogme prônait en effet des règles très strictes,  que Julius considérait d’emblée comme impossibles à respecter, et d’ailleurs, il se rendait bien compte que personne ne les respectait vraiment,…

Même si on ne s’occupait pas du bidule, le bidule se rappelait a votre bon souvenir, et quand on s’y attendait le moins, c’était indépendant de la volonté, pire, plus on  essayait de ne pas y penser, plus l’imagination dérapait soudain dans des aventures chaque fois plus torrides  pour énerver le bidule, ce n’était donc tout simplement pas possible.

Mais il n’y pouvait rien, c’était normal, le père Jean lui expliquât que c’était justement pour ça que tout le monde s’était retrouvé dans la merde.

La tentation du bidule était la plus forte, Julius n’avait qu’à faire attention à sa conduite si il ne voulait pas finir complétement perdu.

De toute façon, il le serait quand même un petit peu, du reste, il l’était déjà, la nature humaine était coupable pour avoir fait usage du bidule…

Le diable et le bidule avaient toujours fait bon ménage, le diable poussait à satisfaire toujours plus le bidule, et de façon toujours plus désaxée, finalement, l’enfer pouvait ressembler à une grande partouse glauque au milieu d’un tas de fumier quand il n’était pas une rôtissoire géante  perdu au milieu d’un réseau de cavernes souterraines.

Le paradis du père Jean était nettement plus propre, et mieux entretenu,  mais le seul problème y était qu’on y faisait rien avec le bidule, il était quand même curieux qu’un plaisir aussi divin que celui que procurait le bidule n’existe pas au paradis, mais c’était comme ça….

Julius devait comprendre que le paradis était pelé d’âmes,  pas de viande.

Venait enfin la question du bien matériel, Julius trouvait juste de vouloir se détacher des biens matériels,  ou de partager avec d’autres, Jésus prêchait la pauvreté, lui-même étant né dans des conditions très précaires.

Mais dans les faits, peu de personnes appliquaient jusqu’au bout cette règle, beaucoup se contentaient de faire un don de pièces jaunes en fin de semaine, tout en vivant confortablement.

Le dimanche, le père Jean montait en chère et prêchait, il commençait toujours son prêche par un vibrant « mes frères », il avait une voix forte et profonde.

Il enchainait ensuite sur des préoccupations en fonction de l’actualité ou des événements importants, en citant des passages des évangiles, puis il exhortait tout son monde à faire preuve de plus de tolérance et aussi de plus de retenue dans les conneries à ne pas faire.

Il en profitait aussi pour appeler ses paroissiens à faire des dons pour l’entretien et les travaux de réparation de l’église.

C’était une solide église du onzième siècle, consacrée à saint Jean baptiste,  avec un orgue, un chœur ajouré de hauts vitraux et d’une petite rosace, et un autel richement décoré.

Dans un coin au fond de cette église, une toile aux couleurs sombres montrait le saint dans sa geôle et après s’être fait raccourcir,  tandis que Salomé embarquait sa tronche sur un plateau.

Il y avait des passages de l’histoire biblique que Julius préférait a d’autres, comme celui-ci,  ou celui des noces de Canaan,  ou de la résurrection de Lazare,  mais il aimait relire plus particulièrement les prophéties  relatives à l’apocalypse,  ou à la résurrection dont celle d’Ézéquiel …

Les investigations archéologiques  dans les environs avaient mis en lumière un épisode sanglant de l’histoire du dogme,  et l’existence de l’un des multiples shiismes qui l’avait peut-être le plus ébranlé,  les Cathares.

Julius se trouvait lui et l’église du père Jean, au beau milieu de ce qui avait été autrefois le pays Cathare, ou le territoire des Albigeois, le dogme les avait considérés comme hérétiques, et cette hérésie était si durablement implanté et diffusée qu’il avait fallu lever une armée pour exterminer tous les hérétiques,.

Il décidât d’en apprendre plus sur ce sujet, les premières personnes qui pouvaient le renseigner étaient peut-être tout simplement sa grand-mère, et la sœur de celle-ci,  elles savaient beaucoup de choses  sur l’histoire ancienne de leur région.

Mais les questions de Julius suscitèrent une curiosité étonnée, puis de l’émotion.

Avec une nostalgie et comme un sentiment de souffrance due à l’injustice,  elles évoquèrent les Cathares, le regard comme perdu vers un point très lointain, elles échangèrent quelques propos d’un ton  triste et désabusé dans une langue que Julius ne comprenait pas tout à fait, qui ressemblait à un mélange de Latin  ou de Grec avec des sonorités de patois d’Espagnol…

L’évocation de cette page d’histoire avait révélé une blessure ancienne,  dans les mémoires, et la grand-mère de Julius concluait avec un fatalisme latin que tout le monde avait été bon grès mal grès converti au dogme, et que l’on ne pouvait rien y faire, c’était le destin…

Julius  n’approuvait pas cette conversion brutale, et il mit justement  la main sur un exemplaire d’une revue d’histoire que lisait son père, et qui abordait ce sujet.

Il y apprit que les  Cathares avaient une conception du monde sensiblement différente de celle du père Jean, qui y voyait un empire de gens gentils et tournés vers le bien,  dans un monde parfait et pur, menacé par des puissance des ténèbres et venues des enfers.

Le bien et le mal cohabitaient partout,  et dans tout, comme le chaud et le froid, comme le clair, et l’obscur, et le monde n’était donc pas parfait, ou même imparfait,…

C’était beaucoup plus subtil, et sa demandait beaucoup de discernement pour trouver son équilibre entre ses deux forces, d’autre part, ils n’appliquaient pas strictement  bon nombre de règles du dogme, dont celle relatives au bidule…

Ils ne construisaient pas de temples, ou d’églises, ni même de lieu de culte, et il s’en trouvait même parmi le clergé du dogme.

S’être servis du bidule n’empêchait pas d’accéder à la fonction,  et elle n’était pas réservé qu’aux hommes, toutes et tous avaient la même valeur. ..

Ils ne captaient pas non plus l’histoire du rayon cosmique qui avait engendré le dieu dans la sainte vierge, ou d’autres histoires, et ils n’étaient pas les seuls, Julius  à travers leur histoire apprit l’existence des Bogomiles,  plus à l’Est, des Manichéens,  puis de Zoroastre, encore plus loin, jusqu’en Inde, et encore plus ancien…

Evidement ça lui donnait le vertige, la conception du monde du père Julien n’avait pas toujours été la seule et l’unique, et d’autres avaient pu se référer à Jésus avec une autre vision du monde, du bien et du mal,  sans systématiquement accuser le bidule de tous les maux, ou le punir.

Le résultat était que Julius doutait que le modèle du père Jean soit le bon, ou forcément le meilleur, même si en apparences il était plus rassurant,  c’est à partir de ce moment-là que Julius commençât à voir toute chose en clair-obscur.

Il abordât ce sujet avec le père Jean, sans lui parler de son clair-obscur à lui, évidement le bon père était embarrassé.

Le massacre des albigeois n’avait pas été une bonne chose, et beaucoup de sang avait coulé injustement, mais Julius devait comprendre que le dogme était défendu par des hommes qui n’étaient finalement, que des hommes, et qu’eux aussi, pouvaient commettre des erreurs….

Julius savait que sa vision du monde en clair-obscur constituait une entorse au dogme, donc une hérésie, mais il lui était désormais impossible de voir autrement, c’était selon lui une hérésie intelligente,  commandée par le bon sens le plus élémentaire.

Et mieux valait ne rien en dire au père Jean, il comprit à cet instant-là,  comment l’hérésie s’était propagée aussi vite, et silencieusement…

Le père Jean avait remarqué  que Julius été doué pour le dessin, au cours d’une kermesse dominicale il avait exposé sur un stand quelques aquarelles,  il lui demandât si, pour la procession annuelle, Julius pourrait lui peindre un étendard représentant le saint de sa paroisse,  Julius le fit en s’inspirant d’œuvres de la période romane, et le père Jean fut très satisfait du résultat.

Dans la lutte contre la tentation du mal, il existait une arme indispensable, la prière, la prière permettait aussi de demander des faveurs  à dieu, ou à ses saints, ou à la vierge, c’était suivant l’importance et la nature de la faveur, mais curieusement la prière servait aussi de punition,  suivant l’importance des conneries que l’on avait à se reprocher.

Julius ne pensait pas que réciter des prières pouvait servir à dissuader le mal d’entrer en lui, puisque dans sa vison en clair-obscur, il y était déjà,  demander une faveur était toujours plus intéressant,  en faisant gaffe de se tenir à peu près correctement,  après avoir tenté de faire l’équilibre entre son bien et son mal.

 

 

27 mars 2015

Vingt cinquième Bafouille...

Dès cet instant, il fallait se faire a l’idée qu’il faudrait vivre avec la maladie, Julius a dix ans prenait conscience que son père ne vivrait pas longtemps, ou très longtemps, c’était comme si a  l’annonce de sa maladie, celle-ci avait commencé lentement mais sûrement, a s’inviter dans les esprits pour y prendre une place chaque fois plus importante.

Ce qui avait eu pour effet de déclencher chez Julius une formidable envie d’apprendre, et le plus rapidement possible, dans ces conditions, la maladie et le danger qu’elle faisait planer sur lui de perde son père rendait  la notion de temps était toute différente.

L’intérêt de son père pour les civilisations de l’antiquité  était devenu le sien, Julius s’intéressât d’abord aux Grecs,  a leur mythologie, a leur mode de vie, a leur art, il se plongeait dans les épisodes de l’Iliade ou de l’odyssée,  les épopées des héros qui se confrontaient à la mythologie le fascinaient, les Grecs avaient un ensemble de mythes qui étaient autant d’outil remarquablement bien fait pour sonder les tréfonds de l’âme humaine.

Ils avaient aussi développé une forme d’art qui épatait Julius,  tant elle lui paraissait inégalable en beauté, en finesse d’exécution,  ils avaient aussi étés stupéfiants d’invention dans le domaine des sciences,  et leur mode de vie était tout à la fois des plus simples, et des plus raffinés.

Ils ne s’embarrassaient pas de préjugés, ou de tabous sur le corps, la nudité, ou le bidule, bien au contraire,  ils vivaient dans le foutoir complet, et le célébraient  à travers rites et festivités, on ne pouvait pas vraiment savoir ce qu’ils étaient, ils étaient un peu tout à la fois, ils avaient même des dieux hermaphrodites,.

Pour autant, ils étaient rigoureusement organisés,  et s’étaient dotés d’une puissance militaire redoutable, et entrainée sans relâche, capable de faire détaler en courant leur adversaires paniqués rien qu’à l’annonce que les Grecs étaient en route pour venir leur foutre une bonne racée…

Julius était admiratif de cette civilisation,  et il se demandait pourquoi on ne les avait pas imités plus longtemps, puisqu’ils étaient moins cons.

Mais l’histoire antique était une suite d’invasions successives,  d’apogées, et de déclins, les Romains avaient fini par mettre le grappin sur la Grèce, et ils s’en étaient largement inspirés.

Les Romains étaient fascinants eux aussi, mais bien différents, chez les Grecs, ouvrir sa gueule exigeait que l’on ait pris le temps de mûrement réfléchir a ce que l’on avait à dire, car il fallait que ça puisse profiter a tous, la sagesse était une vertu fondamentale, sacrée.

Les Romains s’embarrassaient moins de détails, ils pouvaient s’embrouiller sans fin dans les intrigues politiques, ou donner dans la démesure, sur tous les plans.

Ils vivaient eux aussi dans le modèle du foutoir complet, leur mythologie était sensiblement la même que celle des Grecs, dont ils avaient latinisé le nom des divinités et héros, mais il arrivait  que leur attrait pour les plaisirs ne connaisse plus aucune limite.

Au bout d’un certain temps,  lassés de devoir supporter la tyrannie d’un  criminel ivrogne et pédophile qui ruinait les caisses de l’état en se vautrant dans son dégueuli avec ses copains,  on le suicidait, ou on s’en débarrassait d’une façon ou d’une autre.

Eux aussi s’étaient dotés d’une puissante armée, disciplinée et entrainée, et très bien équipée, mais pour gouverner ils s’étaient dotés d’une administration  complexe et lourde a manœuvrer, avec parfois des crétins qui multipliaient les conneries.

Ils avaient élargi leur empire en autant de colonies,  avec des comptoirs commerciaux,  c’est-à-dire des camps fortifiés pour prélever des impôts qui dépouillaient les barbares, en échange de la pax Romana, c’est-à-dire du droit a fermer sa gueule.

Au point que les barbares, lassés de devoir ramper et engraisser les Romains, avaient fini par leur foutre sur la gueule,  a plusieurs reprises, jusqu’à parvenir a les écraser chez eux.

Mais les Romains les avaient impressionnés par leur puissance dans tous les domaines,  et finalement, les barbares tentèrent d’adopter ce qu’ils trouvaient de bien chez les Romains, et les Romains adoptèrent un côté plus rock’n roll des barbares.

Voilà, Julius était le fruit de ce brassage de civilisations,  il se disait que finalement, il avait du barbare, du Romain, et du Grec.

Mais son père n’était pas de cet avis,  il nourrissait une certaine admiration pour les Grecs, les Romains,  mais pas pour les barbares, qu’il considérait comme des êtres frustres,  et dénué de spiritualité profonde, ou de sens artistique.

Julius au contraire, aurait voulu en savoir plus sur ces barbares, qui après tout, n’avaient fait que se défendre d’un envahisseur,  il voyait bien autour de lui, dans son quotidien, des éléments hérités de ces barbares,  c’est donc qu’ils avaient une culture, un artisanat, un art bien à eux, et qui avait perduré.

Les vainqueurs se donnaient toujours le beau rôle, dans l’histoire, en l’écrivant,  et en noircissant leurs adversaires d’un jour.

Julius naturellement s’intéressât aux Gaulois, ils étaient assez paisibles, et se consacraient a quantité d’activités artisanales,  cultivaient des terres,  avaient du bétail,  et vivaient tranquilles dans d’immenses forets,  qu’ils vénéraient tout comme les fleuves qui les traversaient.

Mais les Gaulois n’aimaient pas être emmerdés,  ils pouvaient alors êtres de redoutables et farouches guerriers,  et ils ne lâchaient pas l’adversaire sans l’avoir mis en pièces…

ils étaient décrits comme indisciplinés, il leur fallait de longs pourparlers pour se mettre tous d’accord pour s’unir face à un ennemi, l’un d’eux y était presque parvenu au point de mettre les romains en échec, et il s’en était fallu de peu pour qu’il les écrase, mais il avait finalement perdu la guerre, et les Gaulois avaient étés romanisés,.

Julius questionnât son père au sujet des barbares qui vivaient dans son pays, avant l’arrivée des romains.

Les ibères étaient réputés pour être des coriaces,  ils vivaient en petits groupes, ils s’étaient assez tôt mélangés a des Crétois,  puis a des Grecs qui avaient des ports sur leurs côtes,  ils étaient coriaces au point de préférer, après une furieuse  tuerie avec les Romains, se suicider collectivement, hommes, femmes et enfants, plutôt que de tomber aux mains des Romains, ce qui rendait les généraux Romains dépressifs.

Mais eux aussi, peu à peu, avaient fini par accepter la paix Romaine.

Julius ne savait que peu de choses sur les Germains, ceux-ci n’était arrivés dans son monde à lui que plus tard, et poussés par d’autres qui venaient de bien plus loin, les Huns.

D’après son père, de tous, c’étaient les pires et les plus violents,  les autres étaient des casseurs, mais les Huns cassaient tout et ne laissaient rien.

Il était difficile d’en savoir plus car ces peuples n’avaient pas laissés d’écrits,  ou très peu avant les Romains, mais des vestiges confirmaient qu’ils avaient une spiritualité, et complexe, et Julius était surpris du fait que si barbares Grecs ou Romains s’étaient foutus sur la gueule, ils n’avaient jamais eu de violents conflits religieux.

Chacun d’eux avait ses croyances, et le foutoir complet semblait avoir été leur modèle, jusqu’à l’introduction du dogme, et du foutoir restrictif et punitif, mais ça, c’était une autre histoire.

Une autre période l’intéressait aussi beaucoup, celle où les princes s’étaient ouvertement inspirés du monde antique, les artistes et savants de la renaissance y avaient puisée leur inspiration.

Mais ils avaient dut pour ça se confronter au dogme,  et  ça leur avait attiré pas mal de mésaventures,  dont ils s’étaient plus ou moins bien sortis, protégés par des princes qui avaient remis au gout du jour le foutoir complet.

Julius fut conquis par une série de documentaires sur Leonard, son génie lui avait permis de s’investir dans de nombreux domaines des arts et des sciences, il été allé jusqu’à imaginer bon nombres d’inventions qui n’avaient pu se matérialiser que longtemps après sa mort.

Il était très intrigué par les recherches en anatomie de cet esprit curieux et avide de connaissances, et il se demandait ce qu’il aurait imaginé s’il avait vécu à son époque moderne.

Julius en avait conclus qu’il aurait été probablement capable de fabriquer de la matière vivante, du tissu organique vivant, il aurait peut-être été capable de percer le mystère de la vie…

Julius se demandait si l’on serait un jour possible de fabriquer entièrement, un être humain, ou un être en partie mécanique, et en partie biologique, qui serait doté d’une intelligence humaine.

Cette idée avait peut-être traversé un jour l’esprit de Leonard, à son époque vivaient d’autres chercheurs qui travaillaient sur la matière,  les alchimistes.

Julius ne savaient d’eux que peu de choses, qu’ils étaient capable de transformer la matière, ou les métaux en or, mais on en était pas certain, ils revenaient régulièrement dans les récits de ces époques passées, et ils étaient la bête noire du dogme.

Les inquisiteurs du dogme leur reprochaient de donner dans la pratique magique, ou la sorcellerie, et de fait, leur science demeurait très mystérieuse.

Julius savait que les sciences étudiées par Leonard, ou d’autres de ses contemporains avaient fini par se libérer totalement du dogme,  il existait des facultés de médecine et d’anatomie, ou de science physique, on explorait l’espace sans craindre la colère du grand magicien qui y habitait, mais curieusement, on n’avait pas créé de faculté d’alchimie, il semblait que celle-ci avait fini par disparaitre totalement.

Julius s’imaginait ce qu’il aurait fait si il était parvenu à créer un être comme lui, en plus petit, une sorte d’humain en miniature, cette idée lui plaisait beaucoup, il aurait pu lui apprendre un tas de choses importantes à savoir, et il ne se serait plus sentit seul, il aurait pourvu l’autre de tout ce dont il avait besoin, à une échelle réduite.

Mais il n’était pas dit que l’autre, en ouvrant son regard sur le monde, gratifie Julius de l’avoir fabriqué, ou de lui avoir permis de vivre, le rêve scientifique avait ses limites, sur le tard, le vieillard qu’était devenu Leonard avait l’œil sombre et le regard pessimiste….

Julius aurait toujours le loisir plus tard,  de rencontrer une femme avec laquelle avoir des enfants, mais c’était différent,  et cette idée le rendait triste, il était d’avis que par nature il se sentait de plus en plus voué à vivre en solitaire,  sans qu’il sache vraiment pourquoi.

Julian, son père, était dans sa période médiévale,  ce n’était pas nouveau, Julius avait pris l’habitude de visiter à sa suite, des places fortes ou des châteaux forts,  des monastères ou des églises.

Une sorte de cave de pierre ou régnait une chaleur moite,  et une odeur de moisi  retenait toute son attention,  ou bien il était admiratif  d’un sceau en fer rouillé que l’on posait sur son crâne, avec une fente rectangulaire pour les yeux, et des trous de passoire pour respirer,  ou encore d’une sorte de petite baignoire en pierre grossièrement taillée, mais qui était en fait la tombe d’un personnage important.

Julius pour sa part se demandait combien de temps il aurait supporté de porter un seau en fer sur la tronche, ou de dormir dans du moisi.

Sans compter qu’à ces époques, on avait la fâcheuse habitude de faire des gens des torches humaines, sur un tas de buches, et même avec des gens très intelligents.

Il leur préférait celles où l’on pouvait peindre des dieux antiques et s’habiller avec de beaux vêtements dans un décors raffiné, tandis que son père était de plus en plus admiratif  du dépouillement, et de la beauté simple de l’art roman, une sorte d’art primitif.

Julius trouvait étrange qu’il nourrisse cet intérêt pour des inconnus qui ne savaient presque pas dessiner, et qui avaient mis très longtemps en imitant les romains à fabriquer des statues aux proportions raisonnables, et avec des expressions différentes,  autre chose qu’un alignement de faciès de batraciens hébétés tous habillés de la même façon.

D’autre part, leur vison et leur représentation  était quelques fois des plus fantaisistes, avec quelque chose d’enfantin,  mais c’était justement ce qui plaisait à son père,  qui y voyait un certain expressionisme mystique,  a une époque reculée ou le dogme n’était pas encore  compris et retranscrit de façon stricte.

Il retrouvait de cette expressionisme dans l’art pariétal, il se passionnait aussi de plus en plus pour la préhistoire,  et Julius avait ressenti une vive émotion en découvrant les œuvres de cette période, c’était un peu comme si ses plus lointains ancêtres lui aveint tendu une carte postale de leur quotidien.

Julius avait ressentis une de ces émotions qui le dépassait, c’était comme si il avait senti un fil qui s’enfonçait loin dans les ténèbres de l’histoire,  et qui reliait tous les hommes, un fil lancé par un tout petit groupe fragile, et a l’existence très précaire,  et qui était destiné la multitude à laquelle il appartenait, la distance parcourue par ce fil lui donnait le vertige….

Mais la maladie de son père avait limitées ces excursions en quête de vestiges archéologiques, il se contentait le plus souvent de visiter les environs du patelin de louise, et s’était mis à peindre des icônes romanes.

 

27 mars 2015

Vingt quatrième Bafouille...

Finalement, les parents de Julius optèrent pour une solution a laquelle il ne s’attendait pas,  et qui prit forme au début de l’été suivant.

Loulou, son aîné avait fini par décrocher son bac,  il lui fallait donc maintenant choisir une filière pour faire des études supérieures.

Poursuivre sur la vois des sciences économiques l’emmerdait, étudier le droit fut envisagé, mais ça l’emmerdait aussi.

Il cherchait avec Julian une solution, il énumérait des carrières qui n’avaient pour seul défaut d’être au-dessus de ses ambitions, compte tenu de son niveau scolaire, pilote de ligne, par exemple, supposait que l’on ait un excellent niveau en mathématiques, ce qui n’était pas vraiment son cas, le corps diplomatique exigeait que l’on étudie le droit, ou les sciences politiques, et surtout, que l’on dispose de recommandations solides, ce dont il ne disposait pas non plus, préparer un concours d’entrée a l’école polytechnique,  ou à l’école des mines, était hors de portée…

Il optât finalement pour la carrière médicale, il nourrissait une certaine admiration pour Alfonso, son oncle, lui-même chirurgien, mais en réalité, loulou nourrissait une certaine admiration pour Loulou.

Julius avait souvent eu le sentiment étrange que son frère vivait en marge de lui ou de Jéjé, comme si il avait été le seul et unique enfant de la famille, il était très narcissique, et aussi, comme le faisait souvent remarquer Julian,  bourré de complexes.

Sa mère ne tarissait pas d’éloge sur son rejeton, il était beau garçon, intelligent, seulement voilà, Loulou s’était mangé un râteau retentissant, il était arrivé qu’il invite chez ses parents une jeune fille, qu’il fréquentait, Julius la trouvait très jolie, mais entre les deux jeunes gens, ils ne se passait pas grand-chose d’autre qu’une simple relation amicale, Julian ne comprenait pas pourquoi ce con ne se décidait pas, ou ne se déclarait pas.

Il tentait de le rassurer en évoquant son passé de jeune homme, avant qu’il ne fasse la connaissance de louise.

Après la folie meurtrière qui avait pris fin en mille neuf cent trente-huit, le principal problème au pays du généralissime restait de crouter.

Comme d’autres jeunes gens de sa génération,  et pour aider ses parents, il se rendait au marché, muni d’un sceau métallique, et prenait place dans une longue file afin de pouvoir négocier, si possible, du sang.

Peu importe de quel animal provenait le sang, puisque l’on crevait de faim, le sang une fois cuit était nourrissant, c’était bien ça le plus important, avec quelques patates au cyanure, un oignon ou des œufs, ça suffisait  à faire bouffer tout le monde à la maison, pour peu qu’il parvienne a s’en procurer.

Dans la longue file d’attente se trouvaient aussi, des jeunes filles de son âge, tous étaient encore sous le choc de la tuerie, mais c’était justement bien là l’occasion de penser a autre chose, aussi, il était fréquent que les conversations s’engagent, et de fil en aiguille, que Julian fasse des rencontres pour flirter…

Julian n’était pas coincé, la tuerie avait donné des ailes au désir des jeunes gens, nouer des relations amoureuses était comme un rayon de soleil dans un ciel sombre.

Aussi, Julian faisait remarquer a Loulou que si il avait bénéficié du confort dont loulou disposait,  il lui aurait semblé d’autant plus facile de nouer des relations amoureuses.

Loulou avait donc fait le choix de devenir médecin, mais il se posait u autre problème, l’entrée en faculté de médecine n’était possible qu’a la condition de réussir un concours difficile, et loulou était plutôt nul dans toutes les matières scientifiques…

C’est alors qu’une idée germât dans la tronche de Julian, envoyer son fiston chez sa grand-mère, étudier la médecine, chez le généralissime  on pouvait s’inscrire à la faculté sans passer de concours, ce qui n’empêchait pas de former de bons médecins,  par la suite, Loulou aurait la possibilité de faire valider ses diplômes, la meilleure preuve en était que Alfonso travaillait dans un hôpital en Allemagne, où beaucoup de médecins s’étaient perdus dans les plaines de l’union soviétique, ou dans les sables du désert, ou sur les plages normandes, réduits en bouillie.

Loulou saisit cette occasion de prendre le large, il râlait depuis quelques temps déjà de se sentir à l’étroit chez ses parents, et les tannait pour qu’ils lui payent un logement, ce qui faisait grincer et hurler Julian, qui lui rappelait qu’il n’était ni banquier, ni industriel, en faisant remarquer a loulou qu’il nourrissait un étrange paradoxe, celui d’être atteint de gauchisme avéré, et celui de se prendre pour un fils à papa.

Ainsi fût fait, et loulou partit chez sa grand-mère, ce qui rassurait aussi Julian, puisque de cette façon, elle n’était plus seule.

Restait le cas de Jéjé, qui avait fini par devenir un cancre intégral,  Julian décidât que ça en était assez, et qu’il avait décidément pris la mauvaise pente, le rebelle en cyclomoteur allait finir, à ce rythme-là, docker ou manutentionnaire, et encore, plutôt sans emplois  et petit truand sans envergure, marié à une mégère …

Julius lui, ne posait pas autant de problèmes, Julian était certain qu’il parviendrait sans difficulté à faire ce que lui-même n’avait pas pu faire, vivre de son talent, a neuf ans, Julius réalisait ses premières bandes dessinées, mettant en scène toute la famille, a grand renfort de caricatures qui provoquaient l’hilarité,  sa majesté le roi Julian ne s’en offusquait pas, au contraire, Julius fourbissait ses armes, et il devinait qu’il ne tarderait pas a le dépasser sur le terrain de l’expression artistique,  mieux valait donc le ménager.

La voie était donc pour lui, toute tracée, et a cet âge de neuf ans, Julius ne se faisait absolument aucun soucis pour son avenir, il savait qu’il pourrait compter sur le soutien de ses parents, et surtout sur celui de son père.

Il était devenu lui-même lecteur assidu de bandes dessinées, il décortiquait ainsi chaque séquence, chaque mise en scène des aventures d’Astérix, ou de Tintin.

Il possédait tous les albums des aventures du célèbre reporter Belge, et toujours autant fasciné par la civilisation d’extrême orient,  « Le lotus bleu » avait été pour lui, une révélation, qui se confirmât avec « Tintin au Tibet », les fumeries d’opium du vieux Shanghai ou les moines en lévitation l’intriguaient beaucoup….

Julian trouvât finalement la solution globale, Louise et lui vendirent leur appartement, Jéjé et Julius se retrouvèrent chez Léonore, leur grand-mère,  Julian et Louise achetèrent un tout petit appartement  non loin du quartier latin.

De cette façon, Julian parvenait à inscrire Jéjé dans un lycée de province, qui avait accepté de le prendre en première scientifique, a la condition qu’il s’investisse a fond dans ses études, et avec des cours de soutien, ce qu’il avait tout intérêt à faire, dans le cas contraire, un coup de pied au cul de Julian l’aurait catapulté sur Mars, quand a Julius…

Il se trouvât inscrit pour sa dernière année d’école dans le patelin de Léonore, ce qui lui permettait d’éviter une année de plus d’école de garçons, il en éprouvait un certain soulagement, mais ce sentiment était gâché par le fait qu’il perdait ses copains, et que d’autre part il se trouvait encore une fois, isolé de ses parents.

Il lui arrivait de se demander pourquoi ses parents l’avaient pris chez eux, pour le laisser à nouveau à la case départ, il finit par comprendre qu’ils ne divorceraient jamais, non, ce dont ils avaient besoin, c’était de vivre en couple, et avec des enfants a mi-temps, sa vie ne serait donc décidément pas comme celle de ses autres camardes.

Julian était capable de dévorer des centaines de kilomètres en voiture, il était infatigable, derrière le volant de sa voiture, il fit la promesse avec louise de venir voir les deux énergumènes un weekend sur deux, c’était toujours mieux que rien, de l’avis de Julius,  mais au fil des semaines, les visites s’espacèrent de trois semaines, puis d’un mois…

Julius intégrât sa nouvelle école, il pourrait enfin se faire de nouvelles camardes de jeux, mais il se rendit vite compte que les choses avaient changées, tout comme lui, ses camarades avaient grandi, et a dix ans, les filles jouaient avec les filles, les garçons avec les garçons, des jeux comme la séance de judo improvisé dans la chambre de Célia alimentaient leurs plaisanteries,  et Julius comprit que la guerre des sexes l’avait rattrapé, sans qu’il s’en aperçoive, même Célia, qui se trouvait dans la même classe que lui, ne le percevait plus de la même façon….

Julius bien qu’ayant le moral en berne, fit l’effort de faire son possible pour être un bon élève, attendant avec impatience la visite mensuelle de ses parents, il ne dessinait plus que rarement, son modèle et maître était maintenant loin de lui.

Au cours de l’une de ses visites, a l’approche de l’hiver, Julian se plaignit de douleurs récurrentes dans le dos, c’était peut être la conséquence d’une grippe mal soignée, il était allé consulter un médecin,  mais celui-ci n’avait rien remarqué de particulier.

Lors de la visite suivante, et comme les douleurs persistaient, Julian décidât d’aller voir cette fois un spécialiste, a son retour, un mois plus tard, il avait l’air préoccupé, et Julius remarquât que louise aussi, pourtant on se trouvait à la période de Noël, ce qui en principe, aurait dut égayer tout le monde, mais Louise avait souvent les yeux humides de larmes, même si elle faisait l’effort de le dissimuler, aucun détail n’échappait au regard de Julius.

Le soir, à table, toute la famille étant réunie, après le dîner, Julian sortit d’une grande enveloppe des radiographies de son dos, et de son abdomen, et sans émotion apparente, expliquât les faits, il ne souffrait pas d’une grippe mal guérie, il avait un cancer.

On aurait pas mieux fait en montrant a Julius une image de la guillotine, le couperet suspendu dans le vide, au-dessus du cou de son papa, à cette époque, à la fin des années soixante-dix, le cancer était un fléau dont on ne guérissait pas, ou exceptionnellement,  la seule chose était de savoir quand le couperet s’abattrait sur sa nuque, Julius le savait.

Une fois l’émotion de l’annonce de cette mauvaise nouvelle passée, Julian se montrât serein, et même optimiste, comme il le faisait dans d’autres situations, il se mit à tourner la situation en dérision,  ou a en rire, ou a rire de la mort, il réussit même par faire rire Julius, puis tout le monde autour de lui, Julius l’admirait dans ce moment-là….

Julian, sirotant un verre d’anis, évoquât devant la famille son héritage culturel, son lieu de naissance, quelque part, dans la lointaine Andalousie, un endroit du monde où l’on pouvait évoquer la mort comme on aurait évoqué la vie, l’amour, où l’on pouvait contempler la mort, ou sa propre mort, comme on aurait contemplé un champ d’oliviers, ou des fleurs.

Julius n’avait avec ses parents visité cette région du monde qu’une seule fois, en été, il se souvenait très bien des jardins de l’Alhambra, de la fontaine des lions, de la fraicheur de la mezquita de Cordoba, ou des calèches à Séville, de la lumière éblouissante du jour, des parfums d’orangers, de jasmin, mais pas du parfum de la mort.

 

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