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La boite a bafouilles
La boite a bafouilles
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27 mars 2015

Vingt quatrième Bafouille...

Finalement, les parents de Julius optèrent pour une solution a laquelle il ne s’attendait pas,  et qui prit forme au début de l’été suivant.

Loulou, son aîné avait fini par décrocher son bac,  il lui fallait donc maintenant choisir une filière pour faire des études supérieures.

Poursuivre sur la vois des sciences économiques l’emmerdait, étudier le droit fut envisagé, mais ça l’emmerdait aussi.

Il cherchait avec Julian une solution, il énumérait des carrières qui n’avaient pour seul défaut d’être au-dessus de ses ambitions, compte tenu de son niveau scolaire, pilote de ligne, par exemple, supposait que l’on ait un excellent niveau en mathématiques, ce qui n’était pas vraiment son cas, le corps diplomatique exigeait que l’on étudie le droit, ou les sciences politiques, et surtout, que l’on dispose de recommandations solides, ce dont il ne disposait pas non plus, préparer un concours d’entrée a l’école polytechnique,  ou à l’école des mines, était hors de portée…

Il optât finalement pour la carrière médicale, il nourrissait une certaine admiration pour Alfonso, son oncle, lui-même chirurgien, mais en réalité, loulou nourrissait une certaine admiration pour Loulou.

Julius avait souvent eu le sentiment étrange que son frère vivait en marge de lui ou de Jéjé, comme si il avait été le seul et unique enfant de la famille, il était très narcissique, et aussi, comme le faisait souvent remarquer Julian,  bourré de complexes.

Sa mère ne tarissait pas d’éloge sur son rejeton, il était beau garçon, intelligent, seulement voilà, Loulou s’était mangé un râteau retentissant, il était arrivé qu’il invite chez ses parents une jeune fille, qu’il fréquentait, Julius la trouvait très jolie, mais entre les deux jeunes gens, ils ne se passait pas grand-chose d’autre qu’une simple relation amicale, Julian ne comprenait pas pourquoi ce con ne se décidait pas, ou ne se déclarait pas.

Il tentait de le rassurer en évoquant son passé de jeune homme, avant qu’il ne fasse la connaissance de louise.

Après la folie meurtrière qui avait pris fin en mille neuf cent trente-huit, le principal problème au pays du généralissime restait de crouter.

Comme d’autres jeunes gens de sa génération,  et pour aider ses parents, il se rendait au marché, muni d’un sceau métallique, et prenait place dans une longue file afin de pouvoir négocier, si possible, du sang.

Peu importe de quel animal provenait le sang, puisque l’on crevait de faim, le sang une fois cuit était nourrissant, c’était bien ça le plus important, avec quelques patates au cyanure, un oignon ou des œufs, ça suffisait  à faire bouffer tout le monde à la maison, pour peu qu’il parvienne a s’en procurer.

Dans la longue file d’attente se trouvaient aussi, des jeunes filles de son âge, tous étaient encore sous le choc de la tuerie, mais c’était justement bien là l’occasion de penser a autre chose, aussi, il était fréquent que les conversations s’engagent, et de fil en aiguille, que Julian fasse des rencontres pour flirter…

Julian n’était pas coincé, la tuerie avait donné des ailes au désir des jeunes gens, nouer des relations amoureuses était comme un rayon de soleil dans un ciel sombre.

Aussi, Julian faisait remarquer a Loulou que si il avait bénéficié du confort dont loulou disposait,  il lui aurait semblé d’autant plus facile de nouer des relations amoureuses.

Loulou avait donc fait le choix de devenir médecin, mais il se posait u autre problème, l’entrée en faculté de médecine n’était possible qu’a la condition de réussir un concours difficile, et loulou était plutôt nul dans toutes les matières scientifiques…

C’est alors qu’une idée germât dans la tronche de Julian, envoyer son fiston chez sa grand-mère, étudier la médecine, chez le généralissime  on pouvait s’inscrire à la faculté sans passer de concours, ce qui n’empêchait pas de former de bons médecins,  par la suite, Loulou aurait la possibilité de faire valider ses diplômes, la meilleure preuve en était que Alfonso travaillait dans un hôpital en Allemagne, où beaucoup de médecins s’étaient perdus dans les plaines de l’union soviétique, ou dans les sables du désert, ou sur les plages normandes, réduits en bouillie.

Loulou saisit cette occasion de prendre le large, il râlait depuis quelques temps déjà de se sentir à l’étroit chez ses parents, et les tannait pour qu’ils lui payent un logement, ce qui faisait grincer et hurler Julian, qui lui rappelait qu’il n’était ni banquier, ni industriel, en faisant remarquer a loulou qu’il nourrissait un étrange paradoxe, celui d’être atteint de gauchisme avéré, et celui de se prendre pour un fils à papa.

Ainsi fût fait, et loulou partit chez sa grand-mère, ce qui rassurait aussi Julian, puisque de cette façon, elle n’était plus seule.

Restait le cas de Jéjé, qui avait fini par devenir un cancre intégral,  Julian décidât que ça en était assez, et qu’il avait décidément pris la mauvaise pente, le rebelle en cyclomoteur allait finir, à ce rythme-là, docker ou manutentionnaire, et encore, plutôt sans emplois  et petit truand sans envergure, marié à une mégère …

Julius lui, ne posait pas autant de problèmes, Julian était certain qu’il parviendrait sans difficulté à faire ce que lui-même n’avait pas pu faire, vivre de son talent, a neuf ans, Julius réalisait ses premières bandes dessinées, mettant en scène toute la famille, a grand renfort de caricatures qui provoquaient l’hilarité,  sa majesté le roi Julian ne s’en offusquait pas, au contraire, Julius fourbissait ses armes, et il devinait qu’il ne tarderait pas a le dépasser sur le terrain de l’expression artistique,  mieux valait donc le ménager.

La voie était donc pour lui, toute tracée, et a cet âge de neuf ans, Julius ne se faisait absolument aucun soucis pour son avenir, il savait qu’il pourrait compter sur le soutien de ses parents, et surtout sur celui de son père.

Il était devenu lui-même lecteur assidu de bandes dessinées, il décortiquait ainsi chaque séquence, chaque mise en scène des aventures d’Astérix, ou de Tintin.

Il possédait tous les albums des aventures du célèbre reporter Belge, et toujours autant fasciné par la civilisation d’extrême orient,  « Le lotus bleu » avait été pour lui, une révélation, qui se confirmât avec « Tintin au Tibet », les fumeries d’opium du vieux Shanghai ou les moines en lévitation l’intriguaient beaucoup….

Julian trouvât finalement la solution globale, Louise et lui vendirent leur appartement, Jéjé et Julius se retrouvèrent chez Léonore, leur grand-mère,  Julian et Louise achetèrent un tout petit appartement  non loin du quartier latin.

De cette façon, Julian parvenait à inscrire Jéjé dans un lycée de province, qui avait accepté de le prendre en première scientifique, a la condition qu’il s’investisse a fond dans ses études, et avec des cours de soutien, ce qu’il avait tout intérêt à faire, dans le cas contraire, un coup de pied au cul de Julian l’aurait catapulté sur Mars, quand a Julius…

Il se trouvât inscrit pour sa dernière année d’école dans le patelin de Léonore, ce qui lui permettait d’éviter une année de plus d’école de garçons, il en éprouvait un certain soulagement, mais ce sentiment était gâché par le fait qu’il perdait ses copains, et que d’autre part il se trouvait encore une fois, isolé de ses parents.

Il lui arrivait de se demander pourquoi ses parents l’avaient pris chez eux, pour le laisser à nouveau à la case départ, il finit par comprendre qu’ils ne divorceraient jamais, non, ce dont ils avaient besoin, c’était de vivre en couple, et avec des enfants a mi-temps, sa vie ne serait donc décidément pas comme celle de ses autres camardes.

Julian était capable de dévorer des centaines de kilomètres en voiture, il était infatigable, derrière le volant de sa voiture, il fit la promesse avec louise de venir voir les deux énergumènes un weekend sur deux, c’était toujours mieux que rien, de l’avis de Julius,  mais au fil des semaines, les visites s’espacèrent de trois semaines, puis d’un mois…

Julius intégrât sa nouvelle école, il pourrait enfin se faire de nouvelles camardes de jeux, mais il se rendit vite compte que les choses avaient changées, tout comme lui, ses camarades avaient grandi, et a dix ans, les filles jouaient avec les filles, les garçons avec les garçons, des jeux comme la séance de judo improvisé dans la chambre de Célia alimentaient leurs plaisanteries,  et Julius comprit que la guerre des sexes l’avait rattrapé, sans qu’il s’en aperçoive, même Célia, qui se trouvait dans la même classe que lui, ne le percevait plus de la même façon….

Julius bien qu’ayant le moral en berne, fit l’effort de faire son possible pour être un bon élève, attendant avec impatience la visite mensuelle de ses parents, il ne dessinait plus que rarement, son modèle et maître était maintenant loin de lui.

Au cours de l’une de ses visites, a l’approche de l’hiver, Julian se plaignit de douleurs récurrentes dans le dos, c’était peut être la conséquence d’une grippe mal soignée, il était allé consulter un médecin,  mais celui-ci n’avait rien remarqué de particulier.

Lors de la visite suivante, et comme les douleurs persistaient, Julian décidât d’aller voir cette fois un spécialiste, a son retour, un mois plus tard, il avait l’air préoccupé, et Julius remarquât que louise aussi, pourtant on se trouvait à la période de Noël, ce qui en principe, aurait dut égayer tout le monde, mais Louise avait souvent les yeux humides de larmes, même si elle faisait l’effort de le dissimuler, aucun détail n’échappait au regard de Julius.

Le soir, à table, toute la famille étant réunie, après le dîner, Julian sortit d’une grande enveloppe des radiographies de son dos, et de son abdomen, et sans émotion apparente, expliquât les faits, il ne souffrait pas d’une grippe mal guérie, il avait un cancer.

On aurait pas mieux fait en montrant a Julius une image de la guillotine, le couperet suspendu dans le vide, au-dessus du cou de son papa, à cette époque, à la fin des années soixante-dix, le cancer était un fléau dont on ne guérissait pas, ou exceptionnellement,  la seule chose était de savoir quand le couperet s’abattrait sur sa nuque, Julius le savait.

Une fois l’émotion de l’annonce de cette mauvaise nouvelle passée, Julian se montrât serein, et même optimiste, comme il le faisait dans d’autres situations, il se mit à tourner la situation en dérision,  ou a en rire, ou a rire de la mort, il réussit même par faire rire Julius, puis tout le monde autour de lui, Julius l’admirait dans ce moment-là….

Julian, sirotant un verre d’anis, évoquât devant la famille son héritage culturel, son lieu de naissance, quelque part, dans la lointaine Andalousie, un endroit du monde où l’on pouvait évoquer la mort comme on aurait évoqué la vie, l’amour, où l’on pouvait contempler la mort, ou sa propre mort, comme on aurait contemplé un champ d’oliviers, ou des fleurs.

Julius n’avait avec ses parents visité cette région du monde qu’une seule fois, en été, il se souvenait très bien des jardins de l’Alhambra, de la fontaine des lions, de la fraicheur de la mezquita de Cordoba, ou des calèches à Séville, de la lumière éblouissante du jour, des parfums d’orangers, de jasmin, mais pas du parfum de la mort.

 

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